26 artistes ont travaillé sur le sujet de l’exil, de la migration, de l’accueil des migrants … Fédérés par le MRAP, ils ont exposé 70 oeuvres au Cèdre, à Chenôve cet automne 2022. Beaucoup de scolaires ont engagé une réflexion à l’occasion de leur visite à cette exposition, à l’intérieur d’un projet culturel de la ville. Et quelques-uns ont exposé au même endroit leur travail créatif réalisé à partir de cette expérience.
D’abord, coup de chapeau à la scénographe Anne Chignard qui a utilisé au mieux, avec les artistes, ce grand volume du Cèdre ! Mur géant (hall d’entrée), niches, mezzanine… Mission délicate de faire cohabiter les travaux de tant d’artistes différents. Seul point commun, le thème. Chacun y a mis sa propre sensibilité, sa personnalité, son coup de patte d’artiste. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice.
une partie du « mur », dans le hall d’entrée
Donc, il y a risque d’une certaine incohérence plastique, esthétique …On l’oubliera. Risque d’un certain déséquilibre de qualités artistiques. On l’oubliera. Et on se laissera toucher par telle ou telle oeuvre. Par ces images fortes de peur, d’abandon, de déchirements, de vertige, de perte…Mais aussi par ces tentatives de redonner espoir.
Hbyba Harrabi « famille »
Fabienne Durupt « exil »
Il y a dans cette expo à la fois un imaginaire extraordinaire et une expression bouleversante de la réalité. Les artistes savent, en général, jongler avec les deux!
Evelyne Lagnien « déchirement »
Pascale Serre
Un énorme travail pédagogique est fait autour de cette expo, un travail de recherche documentaire sur les migrations . A l’entrée, au pied du « mur », on trouve tous ces textes , littéraires, historiques etc sur le sujet. Reste que, décidément, cette expo vous devez la voir comme une manifestation sociale, humaniste, politique, militante… L’art n’est qu’un prétexte.
Charles Belle est né dans le Doubs, il a fait ses études aux Beaux Arts de Besançon. Et cette année Jura et Doubs l’exposaient en sept lieux. (Je n’ai vu que l’exposition de Arc-et-Senans, à la Saline). Cette grande rétrospective du célèbre peintre était en hiver 22-23
extrait
Dès l’escalier monumental de la Maison du Directeur, au coeur de la Saline, on est happés par plusieurs oeuvres au-dessus de notre tête: grands motifs rouges sur immenses toiles noires (impressions sur tissus à rideaux?). Spectaculaire! C’est l’adjectif que je retiens à priori pour qualifier le travail de Charles Belle. Je corrigerai quelque peu tout à l’heure!
Première salle. Dimensions grandioses. Clarté. Les peintures de Charles Belle explosent sur les murs. Je suis à nouveau happée! Je m’assois! En très grands formats (2m sur 3 le plus souvent), voici l’eau d’un torrent qui galope sur des rochers, qui éclabousse et projette son écume. Je regarde un moment. Et, bientôt, l’évident réalisme du tableau s’écarte, laissant la place à l’évidence du geste pictural. La force (et le plaisir) de l’artiste qu’il met dans cette composition, je la perçois. Ce ruisseau de montagne, en gros plan, devient une émotion, une sensation… Il traduit je ne sais quel élan, quelle fougue!
Derrière moi, ce sont d’autres peintures géantes, des herbes. Un fouillis de grandes herbes, en vue rapprochée. C’est facile de plonger! Mais, là encore, le mouvement qui se dégage de la toile n’est plus seulement l’ondulation de la prairie chatoyante. C’est la danse du bras de l’artiste elle-même que je sens, le balancement de sa main et de son corps tout entier, en cadence avec le pinceau.
Les salles suivantes montrent des fleurs, en grand format également et en vues très rapprochées. Ça vibre. C’est duveteux, soyeux, translucide, rayonnant… Des fleurs, certes. Mais aussi l’expression de la caresse, du toucher fragile et timide, du parfum subtil, du froissement éphémère. L’acte pictural relève parfois de la pure poésie. Je pense que c’est le cas ici. Même si la virtuosité avérée peut gêner … Ça peut arriver que la grande maîtrise de la technique, admirable, empêche la vraie émotion. (Ne pas hésiter à venir tout près de la toile, surtout s’il n’y a pas de vitre! A scruter la trace du pinceau, la coulure, la traînée, les superpositions etc. Et puis, s’éloigner lentement!! On comprend mieux le génial travail du peintre!)
Dans le bâtiment voisin, la Berne Ouest, Charles Belle présente une installation que je peux vraiment cette fois qualifier de spectaculaire (et très réussie)! Sous la gigantesque charpente en bois, sont accrochés des cylindres monumentaux, tendus de toile noire. Là-dessus apparaissent les peintures de l’artiste, fleurs, herbe, eau et arbres, illuminées de l’intérieur. Telles de grandes lanternes. On se promène dans cette étrange forêt, le nez en l’air, dans la nuit de la salle… (Cette exposition-là ne dure que jusqu’au 23 octobre)
Ma peinture préférée de cette exposition à la Saline: « Encore cette source »
Jusqu’au 6 novembre, la Fondation Cartier, à Paris, accueille des oeuvres de la peintre aborigène Sally Gabori (de son vrai nom Mirdidingkingathi Juwarnda). 11-20h. fermé le lundi.
Thundi 2010
Deux façons d’aborder la peinture de Sally Gabori. -1 La première, simplement: entrer dedans, nager avec le courant, se laisser aller entre blocs, flux, écume, vagues, jaillissements… Les couleurs et les grands coups de pinceaux sont suffisamment entraînants pour ça. Les grands formats (jusqu’à 6 m de long!) aident à cela. Se contenter du plaisir de rencontrer une œuvre abstraite, puissante et très personnelle. [A savoir, ne vous attendez pas à de l’art aborigène tel qu’on le connait en occident. Pas du tout. Cette artiste a vécu hors des circuits! ]
-2 La deuxième, c’est d’apprendre à mieux connaitre cette étrange vieille dame artiste, née dans une petite île australienne vers 1924, membre d’une toute petite communauté (kaiadilt) isolée, vivant de pêche et de cultures de pommes de terre, puis exilée de sa terre natale contre sa volonté (un tsunami en 1948), et ouverte soudain à la peinture vers 80 ans (elle est morte en 2015).
Nyinyilki 2009
un extrait d’une des toiles !
Alors, peu à peu, on sent autre chose naître dans notre rapport à sa peinture.
Ce n’est pas de l’abstraction. Ce sont les paysages de son île. La mer, la terre, le ciel, les murets construits pour piéger les poissons (épaisses lignes noires) etc. Ce sont les sensations et les impressions que Sally Gabori a conservé en elle de sa vie « d’avant », les légendes, les chants, la famille, le travail et la communion avec la nature, les couchers de soleil, les intempéries, la végétation, les lumières du lagon… Elle les restitue en peinture. En couleurs. Avec un geste vrai, pur, sincère, énergique. Et, souvent, elle a comme une vision aérienne, comme si elle peignait en lévitation au-dessus de son pays: ses toiles évoquent alors une cartographie des lieux.
Thundi 2010
Ce sont donc des témoignages. Mais, en même temps, c’est un extraordinaire travail d’artiste. Elle qui n’a guère eu le temps d’apprendre (dans des cours de peinture de sa maison de retraite!), qui ne sait ni lire ni écrire, qui parle la langue kayadirt (que plus personne ne comprend), elle construit une vraie oeuvre qui sera reconnue et exposée!
Petites choses à savoir (ou pas! comme vous voulez!): – On peut regarder les toiles dans tous les sens. L’accrochage, ici, est aléatoire. Parfois, Sally Gabori peignait d’ailleurs en tournant sa toile. –Sally Gabori n’attendait pas que sèche la première couche de peinture acrylique (peut-être par choix ou peut-être par urgence de peindre). Elle laissait muer et muter les couleurs entre elles. -Certaines toiles présentées dans cette exposition sont collectives, faites avec ses filles ou des femmes de la communauté.
La photographe plasticienne Claire Vanvosthuyse a exposé « Translation » à la Galerie La Source, Fontaine-lès-Dijon en septembre 2022. Une expo construite, cohérente, émouvante, une des meilleures de l’année, ici.
Odyssée
Entrer dans la Galerie, pour cette exposition de Claire Vanvosthuyse, c’est se glisser dans un ailleurs. Un ailleurs qui ressemble au réel. Mais un réel fragile, lointain, sauvé des eaux…
Pêcher des morceaux de vie qui flottent quelque part. Les capturer. En faire quelque chose. Les assembler pour reconstituer d’autres formes de vie. Fouiller dans les nimbes de la mémoire pour extraire des moments ou des objets. Les faire remonter à la surface pour qu’ils changent d’identité: qu’ils ne soient plus seulement des souvenirs. Les faire se rencontrer. Construire de nouvelles images avec eux.
L’artiste a ce pouvoir.
Et voilà donc, au rez-de-chaussée, des triptyques qui réunissent des extraits de photos des quatre coins du monde. Des fragments de villes, que des milliers de kilomètres séparent (et des dizaines d’années), mais qui se trouvent, ici, d’étranges affinités et vivent soudain des mariages heureux! « Voyages à l’oeil », est le titre de cette série!
(cliché Claire Vanvosthuyse)
Le magnifique mur d’images, lui, qui pourrait presque être un mur d’ex-voto, au fond de la salle, raconte une Odyssée d’Ulysse très personnelle. Des étapes, des épreuves, des épisodes…Pas forcément toujours fidèles au poème d’Homère! (C’est l’odyssée de l’artiste elle-même, plutôt) Mais quel bel assemblage de formats, de teintes et de lumières!
Au premier étage, on continue de se glisser dans les tableaux de Claire Vanvosthuyse, qui, tous, semblent sortir d’un long séjour dans l’oubli: le sujet comme la façon d’être traité. Un peu de flou, d’effacé, de fané, de déchiré… Les paysages, l’atelier du peintre, les chaises qui attendent leurs fantômes… C’est surprenant, et très prenant! Pour ceux qui se poseraient encore la question, non, ce ne sont pas des peintures mais des impressions photographiques marouflées (collées). L’artiste travaille par assemblages, agrandissements, poses de scotchs etc. Un geste de plasticien: ajouter, retirer, déplacer, corriger…
(cliché Claire Vanvosthuyse)
Deux salles, encore, à retenir: -« Bribes » (titre excellent!), une frise en noir et blanc présentée de façon monacale: de petites formes abstraites qui sont autant d’éléments détachés, transportés, et « greffés » ici… On pense à de mini-gravures. -Et « Les lames », très bel ensemble de photos de toiles d’araignées sur fond de tubes à essai, présentées sous plexiglas épais. On est dans un labo! Effet impressionnant! Belle idée!
(cliché Claire Vanvosthuyse)
Cliquez sur les visuels pour agrandir. merci à Claire pour l’envoi de ses clichés. j’ai quand même osé mettre un ou deux à moi!
« Dijon vu par », été 2022, au salon Apollon du palais des Ducs, laissé à la créativité d’un illustrateur et bédéiste Julien Lesne.
J’ai grimpé encore cette année les marches du bel escalier qui mène au Salon Apollon! Et j’ai eu une désagréable impression d’insaisissable, de ténu… Une exposition qui tiendrait juste par quelques fils fragiles. Quelque chose de léger, léger. De presque indigent. De flou ou pas fini. Je m’attendais à mieux.
Et je me suis demandé pourquoi.
Peut-être pas vraiment assez de « grands formats » (contrairement à ce qu’on annonce dans certains articles), dommage pour un tel lieu. Trop de petites choses un peu bricolos. Perdues sur les panneaux noirs. Peut-être aussi un manque de rigueur dans le cheminement que le visiteur doit suivre pour comprendre ce conte que Julien Lesne présente. Le visiteur est à la recherche d’un fil rouge, de liens entre les panneaux…La lune tombée sur Terre? La lune dans Dijon? Hum! Pas facile à suivre! Les inscriptions explicatives m’ont paru également maladroites (pas très aisées à lire et ce côté étiquette Dymo qui, même si c’est voulu, n’est pas du meilleur effet…à mon avis).
Certes, les planches de dessins valent le coup qu’on s’y arrête. Donneraient envie de lire une BD de Julien Lesne…
Et, ce que j’ai préféré, le panneau du fond de la salle… Là, j’ai vu un travail d’artiste. Superpositions, transparences, ajouts incongrus… J’aurais volontiers admiré d’autres œuvres de cet acabit dans cette exposition dijonnaise, au palais des Ducs…
Allez y vite avant le 18 septembre! Et dites moi que, contrairement à moi, vous avez tout compris, aimé, admiré…. ça me fera plaisir!
Jusqu’au 28 août 2022, à Moloy (21), 7 rue de l’abreuvoir, « Atelier d’été ». Du mardi a dimanche, 15-19h.
Monsieur Guitton et son épouse habitent une petite maison ancienne, cachée au bout d’un village de la campagne bourguignonne, au fond d’un jardin fermé par une haute palissade branlante. Une maison à demi masquée de végétation. Secrète. Mais d’un secret accueillant, si vous voyez ce que je veux dire. Monsieur Guitton est un hôte discret, qui vous laisse apprivoiser les lieux avant de vous accompagner aimablement (avec, parfois, un agréable petit ton de pince sans rire) à travers le rez-de-chaussée. Jusqu’à son atelier.
Secret, il le restera. Même s’il parle volontiers de sa technique de peintre-sculpteur sur bois (okoumé surtout), de son passé de céramiste, de sa connaissance du Moyen Orient et de divers pays d’Europe… il ne livrera pas grand chose de ses inspirations profondes. De ses pourquoi personnels. De ses raisons intimes. Et on aime bien ce mystère. On ne le dérangera pas de nos questions importunes.
Et les petites portes que l’artiste place souvent sur ses oeuvres gardent elles-aussi les secrets intérieurs.
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Cette visite nous laissera l’impression d’être passés par des sanctuaires. Devant des reliquaires ou des châsses, autels, tabernacles, mihrab… On aura cru entrevoir la Pierre de Rosette ou les Tables de la Loi…Des mantras ou la Thora… C’est un extraordinaire mélange de références qui nous sautent au coeur. Des impressions, des souvenirs. L’atelier de l’artiste a même quelque chose de monacal, où l’on imagine le moine qui s’applique à ses enluminures. (Et nous voilà dans une abbaye! !)
Et cette préciosité (peintures or, incrustations), ces détails minutieux, ces motifs répétitifs, cette noblesse des formes …. Peut-être est-on dans la recherche d’une certaine sagesse. En tout cas le travail de Denis Guitton impressionne et élève l’esprit.
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Le bois tient sa place ici. Ciselé, gravé, peint, clouté… il est une matière naturelle respectée, malgré (ou grâce aux) les métamorphoses réalisées.
Trois nouvelles expositions au Consortium de Dijon, rue de Longvic, depuis le 1er juillet 22 et jusqu’au 23 janvier 2023. ( plus la sélection française de la collection du Consortium Museum) Du mercredi au dimanche de 14 à 18h et vendredi 14-20h.
Franchement, pour ma première visite en expo après un été de privation (bloquée à la maison pour raison familiale), j’ai jubilé!! Cet état de manque a peut-être exagéré mon enthousiasme! Tant pis! ou tant mieux!
J’ai donc jubilé devant les oeuvres de Tschabalala Self! D’une toile à l’autre, cette jeune noire américaine m’a mise devant une véritable chorégraphie de grands corps follement séduisants: dégingandés, élégants, drôles, sensuels… Ces grandes silhouettes découpées, sur fonds monochromes et aplats colorés, sont faites d’assemblages de tissus ou de pièces d’habillement. En plus, la machine à coudre, comme un crayon, a dessiné, ici et là, des lignes de petits points qui virevoltent sur les textiles. Passionnante association de peinture, couture, découpages, graphismes, matière…
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Quelle allure, ces grands personnages noirs! Déstructurés, disproportionnés, déformés, morcelés…Mais avec quelle maîtrise, la plupart du temps! Parfois mis en scène parmi des éléments de mobilier (tapis, lampadaire…) et des motifs de carrelages. Souvent dédoublés par leur propre ombre, ils dansent, chantent, s’accouplent… Et l’humour n’est jamais loin avec Tschabalala. Il y a même un côté défilé de mannequins ou photos de mode! Ces femmes et ces hommes donnent quelque fois l’impression de chercher la pose! Et les choix de tissus ou habits sont faits minutieusement. (voir aussi la vidéo dans la mezzanine, à propos d’une performance de Tschabalala)
Cliquez sur les visuels pour agrandir.
Roland Topor expose également. Ses peintures sont surréalistes, à la mode de son époque. Un peu « has been » à mon goût et si les sujets sont à regarder de près, la technique picturale, pour moi, n’est pas extra! Ses dessins ou gravures sont intéressants, parfois. Drôles ou gores. J’en ai retenus quelques uns. Roland Topor, un personnage, une époque. Pas vraiment art contemporain.
The Drawing Centre Show, c’est juste un long alignement de dessins (tirages numériques), entre formats A1 et A4, sur les murs de deux grandes salles. L’écart entre le plaisir, le travail et la réflexion qu’ont montré les curateurs lors de ce choix, et l’indifférence que peut ressentir le public devant une telle exposition est flagrante.
On se croirait dans une salle des fêtes à la suite d’un concours de dessins proposé au centre aéré du village……
Prenez malgré tout le temps de longer tranquillement ces murs de feuilles de papier! Vous y dénicherez des oeuvres très intéressantes. Les noms d’auteurs sont un peu compliqués à trouver (volontairement!!), je vous préviens.
Cet été 2022, je pense ne pas pouvoir beaucoup me déplacer pour aller voir des expositions d’art (raison familiale). C’est pour cela que j’ai déjà fait mon « choix du mois », juillet 2022!
J‘ai choisi de dire un mot sur les dernières séries du peintre Francis Orzel. C’est un artiste dont j’aime suivre le travail depuis de nombreuses années. En perpétuelle recherche, il évolue de façon fort intéressante.
Depuis quelque temps, il peint en exploitant, à sa manière, les traces que laissent les anneaux de croissance du bois.
Francis Orzel est un artiste. Et donc, son intervention permet à ces lignes de vie du bois d’entrer dans une nouvelle existence. Elles se mettent à raconter un autre univers.
Quand il pulvérise ses pigments avec son aérographe à bouche (c’est sa technique de peintre), je ne peux m’empêcher de penser qu’il insuffle en quelque sorte un second souffle à son matériau, à son support.
Les cercles concentriques du bois, plus ou moins réguliers, prennent chair. Se courbent, se brisent, s’inclinent… Tout cela dans une harmonie duveteuse, sableuse, mousseuse…Et avec une palette variée, mais toujours discrète et noble. Des bruns, des gris, des blancs, des bleus sourds et tendres, quelques ocres et rouges. Ils cohabitent avec les formes à tendance géométrique que peint habituellement Francis Orzel, celles qui évoquent des cubes, des cylindres, des plaques rigides, des rubans…mais peut-être aussi des troncs et des branches d’arbres.
Et Francis Orzel a le chic pour jouer avec les plans, les transparences et les lumières. Il ouvre des tunnels et des gouffres dont l’éclairage prend parfois un air de cosmos lointain…Il communique une étonnante profondeur à ses constructions picturales.
De temps à autre, il introduit des silhouettes vaguement humaines. Des apparitions qui viennent peupler ses paysages personnels.
Ses œuvres étaient jusque là d’habiles agencements de lignes, volumes et couleurs. Elles deviennent ainsi de plus en plus des récits.
Un bon point, sur mon blog, pour la Galerie de l’Ancienne Poste, à Toucy (89). Accueil, et choix des artistes céramistes: LA qualité! En ce mois de juin 2022, pour la première fois, j’y suis allée. Honte à moi qui ne l’avais jamais mise sur mes plannings de visites…depuis 60 ans que j’habite Dijon!!
C’est « mon choix du mois »! Dans cette Galerie, j’ai vu l’exposition de l’artiste hongroise Palma Babos, « Vibrations of the city ».
Les petites architectures instables qu’elle présente sont à priori des tours et pourraient, bien sûr, évoquer les célèbres jumelles du tragique attentat de New York… Mais ce serait réduire l’intérêt de ce travail.
Il y a, dans cette série de blanches céramiques alvéolées, une sensualité qui ne peut pas vous échapper. Ou c’est une chorégraphie souple et gracieuse. Ou c’est un drame en train de se vivre devant vous. Car ces formes bougent, se plient, s’agenouillent, se tordent…Elles cherchent désespérément à maintenir leur équilibre. Peut-être luttent-elles contre des forces qui les dominent. Elles sont en pleine tempête. Souffrent-elles? Dansent-elles? Ou ne seraient-elles pas sous l’eau, ondulant comme des grandes plantes aquatiques?
L’oeuvre vous entraîne ainsi dans des possibles infinis. (C’est le principe d’une véritable création artistique.) Les questions fusent… La matière solide devient molle. Le tragique a des airs de comique ou d’élégance… Passionnant
Fascinante, aussi, est la façon dont Palma Babos élabore ces constructions. Petit élément par petit élément. Comme brique après brique. Et, de temps à autre, elle modifie leur forme, leur épaisseur, leur emplacement, leur assemblage pour atteindre l’extrême bord de la chute, de l’irrémédiable ruine… La cuisson donnera son verdict. Volonté de l’artiste et hasard jouent leur rôle.
A noter que trois de ces tours sont faites d’un matériau différent. Autant l’ensemble des tours est lisse, brillant et immaculé, presque précieux. Autant celles-ci sont rugueuses, grises et brutes. Si les premières peuvent éventuellement avoir un côté décoratif, autant celles-ci ont une force sauvage qui change tout!
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