Recevoir un email pour chaque nouvel article?

Loading

Joëlle Bondil, Galerie Le Trigram

L’exposition de la plasticienne Joëlle Bondil s’intitulait « Polysème » . C’était à la Galerie Le Trigram, rue Charles Dumont, à Dijon. Automne 2025. Du jeudi au samedi, 14-18h30 (C’était un retour de résidence de l’été, au Trigram).

C’est bien elle. On la rencontre pour la deuxième fois à la Galerie Le Trigram. Et on la « remet » (comme on dit). Sauf que… elle ajoute, en quelque sorte, des couplets au refrain. (Elle avait exposé en 2023)

Joëlle Bondil est toujours comme une brodeuse de fils, une dentelière, une tisseuse de réseaux éthérés. Evoquant cartographie ou maillage textile, son dessin scrute le très petit, fouille le dedans… Ou, peut-être, cherche la trame des choses. Poésie délicate et paysages rêvés.

Toujours la même, donc. Mais avec un approfondissement de la réflexion, une avancée dans la démarche. « Polysème » est le titre si bien choisi de son expo. Polysème parce que, au sein d’une même entrée, il y a plusieurs significations (oui ! J’ai cherché le mot dans le dictionnaire !) . L’artiste expérimentes diverses techniques. Décline son sujet en divers matériaux.

Et on marche à ses côtés, de céramique en tissus, de graphite en monotype, de cire en encre…Ce travail sur le processus créatif est bien intéressant !

Cliquez sur les visuels pour agrandir

Dagmar Cyrulla, Galerie La Source

A Fontaine-lès-Dijon la Galerie La Source s’offrait l’artiste australienne Dagmar Cyrulla! C’était à voir absolument! Automne 2025 Du mercredi au vendredi 15h30-18h30, samedi et dimanche 15-18h30.

C’est une excellente surprise que cette exposition de rentrée à La Source! Il y a assez longtemps qu’on n’avait pas vu une qualité de dessin et peinture comme celle-ci dans cette belle Galerie de Bourgogne! Et tout en étant dans la modernité.

Dagmar Cyrulla peint des scènes intimes, quotidiennes. D’un pinceau à la fois vif et maîtrisé, elle parle de la femme. Dans sa vie privée. Dans sa relation au corps, à la solitude, ou à l’enfant et à l’homme… L’artiste la surprend dans la chambre, la salle de bain, le salon…

On est tentés d’évoquer Edward Hooper dans ce qu’il y a de silence, de secret et presque d’irréel dans les scènes peintes par Dagmar Cyrulla. Quelque chose s’est arrêté. Est-ce à cause de notre regard indiscret? Le temps s’est figé. Les mouvements et les gestes sont stoppés dans leur élan.

Ce sont peut-être les petits formats, nombreux au premier étage de la Galerie, que je préfère. Ils conviennent parfaitement au caractère « domestique », intérieur… à l’abri des regards (!) de ces tableaux. Dans la salle du rez-de-chaussée, les grands formats sont évidemment une réussite aussi. On y apprécie mieux le geste pictural, le travail de la matière et de la couleur.

cliquez sur les visuels pour agrandir

Anne Girard, « Livres etc… » au Rez-de-Jardin

En septembre 2025 exposait la plasticienne Anne Girard dans le petit espace d’art de Fontaine-lès-Dijon, Le Rez-de-Jardin, 11 rue d’Artois. Vendredi 14-19h. Samedi et dimanche 11-19h.

Rien au mur pour cette exposition ! L’artiste Anne Girard a choisi de montrer « l’objet livre ».

En îlot central du petit espace Rez-de-Jardin, donc, des volumes. Posés, dressés, suspendus, ouverts, fermés, roulés, étalés, pliés… (J’aime l’ambiguïté du mot « volume » : à la fois une sculpture qui occupe l’espace et un synonyme d’ouvrage relié)

Tout est dans le « etc… » du titre de cette expo ! Car, bien sûr, ce ne sont pas vraiment des livres ! Mais plutôt des intuitions de livres, des évocations, des suggestions…Autre chose, quoi ! Des « etc… ! » (Il y a même des « livres » qu’on ne peut pas ouvrir! )

Présenter un objet tout en ne le montrant pas réellement ! Et, à sa place, en présenter un autre qui le figure ! Qui convoque notre mémoire, nos références, nos images, nos réflexes. Tout ce que nous avons enregistré sur le sujet « livre ». Nous permettre ainsi d’apprécier cette réinvention du livre par l’artiste.

Et le papier ? Essentiel dans le travail d’Anne Girard. Depuis très longtemps. « J’aime sa souplesse, sa fragilité, sa générosité ». Il est ici le support des émotions, sensations, récits, souvenirs… Tel un vrai livre… mais sans mots !

On se demande parfois si la matière n’intéresse pas davantage l’artiste que le contenu spirituel lui-même. « J’utilise des détails de mes peintures, gravures, dessins, monotypes, je les déchire et les recycle. Je manipule, j’assemble, je superpose, j’efface. Je retravaille toute cette matière avec des encres, des craies, de l’acrylique. »

C’est aussi ce qui nous plaît dans l’œuvre de Anne Girard. La richesse du geste, des techniques variées et des réutilisations des œuvres passées fait de chaque pièce une aventure plastique passionnante.

Plaisir, en plus, d’avoir le droit de toucher, ouvrir, feuilleter… Et, comme toujours au Rez-de-Jardin, l’artiste est là en permanence pour qu’on puisse échanger avec elle.

cliquez sur les visuels pour agrandir

Joseph Ginet, Dole

En juillet 2025, une rétrospective de l’oeuvre de l’artiste plasticien sculpteur Joseph Ginet. avait lieu au cloître de l’Hôtel Dieu, à Dole, Jura. Une organisation de Mac2 (Festival musique classique et art plastique) 15-19h.

Qu’il les dessine sur le papier ou les construit dans l’espace, en bois, bronze, terre cuite oxydée, fonte ou céramique (Raku), les lignes de l’artiste Joseph Ginet donnent la direction du ciel. Ou plutôt, réunissent terre et ciel.

Dans cette exposition rétrospective de l’Hôtel-Dieu de Dole, j’ai tenté de regarder ses sculptures extérieures depuis la galerie supérieure… Mauvaise idée! Elles perdaient de leur verticalité. Aplaties, soudain! Or, ce sont des oeuvres qui se dressent. Qui « tiennent debout ».

Noires et dressées, elles impressionnent d’abord par une sensation d’équilibre. Quelque chose qui « tient », qui peut vous prendre la main et vous faire traverser les obstacles les plus branlants… Et puis, vient l’impression de paix, de silence, d’élévation. A l’intérieur, dans la salle du cloître où se prolonge l’expo, les pièces qui accueillent le visiteur ont la sagesse et la noblesse des moines… En dialogue avec l’architecture du lieu, et avec les dessins aux murs. (J’en aurais peut-être exposer moins, pour garder l’idée d’épure, et mettre davantage en valeur les sculptures, mais c’est un choix)

Ce qu’on apprécie aussi dans ce travail de Joseph Ginet c’est la matière. A la fois travaillée et comme restée brute… L’artiste intervient dessus. (Ou bien il la fabrique lui-même). Il crée des formes. Il associe, il superpose, il fend etc. Mais la matière reste première.

Mélanie Berger, Ateliers Vortex

L’exposition « Reprises » de Mélanie Berger, aux Ateliers Vortex, à Dijon, 70 rue des Rotondes, était à voir en juin 2025. Du mercredi au samedi, 14-18h.

Avec Mélanie Berger (avec son travail exposé en tout cas!), dans la grande salle blanche et lumineuse du premier étage des Ateliers Vortex, on se sent bien… Quel est son secret? Je crois qu’elle a pensé à nous en montant son exposition: nos attirances, nos respirations, nos repos, nos réflexes, nos envies… Elle nous guide par la main! C’est une scénographie calculée et réussie.

Ses dessins et peintures ont une discretion, une modestie, une simplicité apparentes qui ne nous en mettent pas plein la vue. Rien de spectaculaire. Tant mieux. Ce sont des feuilles de papier (ou de toile) assemblées, parfois superposées, parfois enroulées. Elles sont peintes. La palette est plutôt douce, à tendance jaune et verte, avec mille nuances et quelques pas de côté vers des rouges orangés. Le geste pictural de l’artiste est là: court, volontaire, énergique.

Au mur ou au sol, ces feuilles colorées s’offrent comme des livres à feuilleter du regard. Ou comme des manuscrits anciens à effleurer des yeux respectueusement. Les différentes épaisseurs et matières créent la variété et les transparences. Un côté géométrique et « rangé » de ces assemblages nous rassure en quelque sorte: on suit des lignes (bien marquées par des baguettes métalliques). C’est encore une façon de nous guider.

Quand on sait que Mélanie Berger a repris des fragments d’oeuvres anciennes, on comprend son titre d’expo « Reprises ». Ambiguïté du mot: en couture, on rapièce ainsi certains défauts de tissus en superposant des pièces rapportées, ce sont des « reprises » aussi!

En tout cas, travail de plasticienne qu’on ne peut pas prendre à la légère. On est dans une musique, dans une balade au milieux de paysages etc… Il se passe quelque chose dans cet espace du Vortex, c’est sûr.

Céline Roblin, bronzière

J’ai envie aujourd’hui de vous parler d’une sculpture que j’ai vue dans l’atelier de Céline Roblin, bronzière, à Fontaine Française (21), à l’occasion de ses portes ouvertes (avril 2025). Un visage de bronze dans un arbre…. !

Cette artiste est sculptrice (la terre, l’argile). Mais elle poursuit le processus jusqu’à fabriquer ses moules, et à y couler le bronze en fusion etc. Elle travaille à l’ancienne (fonte à la cire fondue). Bref, je ne rentre pas dans le détail technique, je n’en suis pas capable, mais allez la voir. Elle vous expliquera. Elle « maîtrise toutes les étapes de fabrication » dit-elle sur son site… (https://www.celine-roblin.fr/). C’est assez rare pour être signalé.

Elle s’est peu à peu spécialisée dans le végétal. Et c’est ça qui m’a touchée. A partir de feuilles, de brindilles et de morceaux d’écorce, elle réalise des pièces de bronze, fines, déchiquetées, dentelées… Ce contraste entre la matière naturelle, brute, et le métal précieux est particulièrement intéressant.

Maintenant, il faut manipuler cette idée pour parvenir à des oeuvres qui ne soient pas seulement « jolies » et décoratives. Céline Roblin cherche. Elle dit qu’elle « extrait les âmes du bois »…. C’est tout à fait ça. Mais côté technique, souvent, elle se heurte à des obstacles. D’un côté elle a le végétal, de l’autre la pièce de bronze dont elle est issue (empreintes d’écorce devenues objet d’art). Comment les marier sans tomber dans le « facile », l’artificiel? Plaquer une petite branche de bronze sur le tronc d’un arbre… ce n’est pas l’idéal! Pas suffisant.

J’y arrive! A ce coup d’émotion que j’ai eu devant une des oeuvres de Céline Roblin!

C’est une sculpture où elle a réussi à donner l’étrange impression d’une métamorphose en train de se faire sous nos yeux. On ne sait pas si l’humain se transforme en végétal ou si c’est l’inverse. Quelque chose est en marche, en tout cas. Un visage émerge d’un tronc d’arbre. Comme s’il naissait d’un autre corps. Quelques lambeaux restent collés ici ou là, ou commencent à se détacher… Des morceaux de peau qui hésitent entre l’écorce et l’épiderme. Ils sont de bronze. Mais semblent de bois… Figés soudain, brillants, raffinés, immortels… Parfois insoupçonnables, camouflés. Parfois bien visibles, révélés. La mutation est en cours…

Il y a du fragile et du puissant à la fois dans cette sculpture. La femme qui apparaît est à l’état de masque inachevé. Une façade. Une créature à peine finie. En devenir. Par contre, la force de vie est là, bien présente. Debout. La nature va gagner, quelle que soit la forme, humaine, minérale, végétale … Les souffles vitaux vont s’unir pour poursuivre…

cliquez sur les visuels pour agrandir

Salon des artistes, Fontaine

Toujours compliqué pour moi d’apprécier ce genre de manifestation artistique, vous le savez. Je suis de plus en plus allergique! Allez! j’en tire des bons et des mauvais côtés. Salon de Fontaine, centre Pierre Jacques, jusqu’au 27 avril. 14h30-19h Entrée libre

Les bons côtés cette année:

-1 L’invité d’honneur Nurcan Giz. Une mise en page de formes colorées, de masses qui s’opposent ou qui se jouent de transparences. Un équilibre d’espaces de peinture., vivant, bougeant…Des compositions qui ont du sens. La peinture comme un langage, comme une façon d’agir sur ce qui existe…Le pouvoir de la peinture…

-2 Beaucoup de noms nouveaux parmi les artistes. Enfin! Des découvertes (pense à Marie Christine Bringer, ci-dessous, Carole Lamas…)

-3 Et toujours contents des retrouvailles avec ceux que l’on suit dans leur recherche et leur évolution de vrais artistes (pense à Francis Orzel ci-dessous, Daniel Carette…)

-4 Toujours le plaisir , quand même, de s’arrêter devant une oeuvre ou deux qui touche, qui rabiboche avec le monde incertain et difficile d’aujourd’hui!!

Les mauvais côtés:

-1 encore des placements à contre jour, lamentables pour ceux des artistes qui ont eu cette malchance

-2 encore des peintures de deux artistes différents, sur deux panneaux côte à côte, qui se « cognent » , qui se font mal… Il faut une certaine habitude et une certaine culture pour en oublier un et se concentrer sur l’autre. Aucune mise en valeur ni de l’un ni de l’autre. (je pense en particulier à Claude Haberstich, extrait ci-dessous))

-3 On aurait aimé en savoir davantage sur l’invité d’honneur. Un petit panneau, autre qu’une analyse de son travail (excellent, par ailleurs)? ça nous oblige à chercher par nous même.! C’est une pointure. Le Salon n’est donc pas fier de l’accueillir? (Les Musicales , elles, en font beaucoup plus à ce sujet!!!)

-4 encore des forces très inégales dans les travaux présentés. Pour un public souvent peu capable de faire la différence, c’est dommage. Oui, il en faut pour tous les goûts, mais ce serait mieux d’aligner à peu près les qualités (avec des genres différents, on peut rester dans une bonne gamme de travail). Ici, il me semble voir du haut de gamme et du bas de gamme! Manque de cohérence.

-5 Des retrouvailles lassantes d’artistes qui ne changent pas d’un poil leur travail depuis des dizaines d’années… Où vont-ils donc? Une affaire qui marche, sans doute, pourquoi se fatiguer? bon! Pas plus d’effort que ça! Ce ne sont pas de vrais artistes! (pas de nom pour ne pas faire mal…) Et certains, par contre, qui partent dans tous les sens, ce qui ne ressemble en rien à une recherche. Ils manquent de personnalité, de profondeur, d’expression intime etc. Un peu de techniques diverses et variées, de l’amusement… (toujours pas de nom, pour éviter de choquer)

cliquer sur les visuels pour agrandir et…. bon Salon! Allez-y!

Florian Bonfillon, « In Situ », Le Rez-de-Jardin

(11 rue d’Artois, Fontaine-lès-Dijon. Horaires pour CETTE EXPO-CI vendredi 14h30-18h30; samedi et dimanche 10h30-18h30; en mars 2025

Une métamorphose pour le Rez-de-Jardin! Un grand papier craft au mur du fond, scotché jaune et noir : on est en travaux…! Une table submergée de petit matériel de gravure. Des rouleaux de papier neuf, des planches de séchage, un rétroprojecteur, des fils électriques…. Le sol accueille de-ci de-là des bouts de papier ou de ficelle que personne ne songe à balayer…Parfois, un volet se ferme et les projecteurs s’éteignent, l’artiste travaille le dessin sur son mur du fond, là où le projet est en gestation.

Florian Bonfillon bosse toute la journée dans cet atelier improvisé. Il reçoit les visiteurs: démonstrations avec sa presse, explications, échanges. Il montre des oeuvres accrochées aux cimaises du Rez-de-Jardin (qu’il puisse rester aussi un lieu d’exposition et que l’artiste puisse y faire découvrir des travaux aboutis)

En fait, Florian Bonfillon joue ici le jeu de la résidence d’artiste.

Il est arrivé avec quelques ébauches d’idées en tête. Et il avance. Dans la lumière de la création. Tantôt en clair-obscur, à tâtons, tantôt en illuminations réjouissantes. Une recherche. Des doutes. Bref, un boulot d’artiste plasticien.

Son travail ? En tout cas ce que je perçois maladroitement. Quelque chose de géographique. Une vision cartographique du monde. Florian Bonfillon a toujours eu de l’intérêt pour les cartes. Et son travail y fait référence sans cesse. On entrevoit des courbes de niveaux, des flèches, des chiffres, des coordonnées, des tracés pointillés, des zones hachurées… Des codes, quoi… Mais des codes qu’il se réapproprie. Peut-être pour mettre le doigt sur d’autres réalités de notre existence…qui elle aussi est codée.

Mais le monde n’est pas toujours mis à plat! Le plan prend soudain du relief (en dessins ou en volumes). Et voilà, par exemple, des strates géologiques…Bien sûr, ça nous évoque les couches sédimentaires qui constituent nos vies, mais ce n’est peut-être pas aussi évident que ça!

En tout cas, dans ce travail de Florian Bonfillon, l’humain a sa place. Toujours. C’est même l’essentiel. Il parle de l’homme. Les cartes racontent les routes, les frontières, les métamorphoses des peuples et des politiques des pays. Circulations et obstacles. Ouvertures et fermetures. C’est ce dont l’artiste parle… Une histoire de représentation.

Autre aspect de son travail, mais dans la même lignée: il utilise des sortes d’arrêts sur image, pris dans Google Earth. Mais il se spécialise dans les bugs, les erreurs, les manques. Il les « chasse », les piste… Significatif! Les dessins qu’il en tire montrent donc de fausses réalités, ou des réalités déformées. Des instants vrais mais qui débloquent!

Ecrivain (aussi), Florian Bonfillon peut vous étonner…

Philippe Calandre, Galerie Le Trigram

En mars 2025, Le Trigram, rue Charles Dumont à Dijon, exposait l’artiste photographe Philippe Calandre. « I. A. Icy & Arid ». Du jeudi au samedi 14-18h30.

C’est black! Mais quel beau noir!

Et dans la blancheur de la Galerie Le Trigram, se dessine comme un graphisme au long des murs. Philippe Calandre expose ses photos noir et blanc. Classique. Au cordeau. Dans l’épure d’une scénographie bien calculée.

Le temps de s’habituer à la raideur des lignes entre-aperçues au premier regard, on se laisse haper par ces étranges images-poèmes. Des architectures massives, des constructions industrielles, des fragments de fausses ruines modernes… Le tout planté au milieu de zones désertiques. Improbables paysages. La lumière traverse des fenêtres inutiles, des ouvertures mortes. Un lourd silence est tombé sur ces lieux de solitude. La photo montre une réalité. Mais pas forcément celle qu’on attendrait… Il y a ambiguïté. Tout a l’air vrai. Mais le téléscopage de certains éléments amène le doute…

Philippe Calandre travaille le photomontage. Ses oeuvres sont des assemblages. Il fabrique de nouveaux espaces. C’est une transcription du réel. Et on avance volontiers vers ces horizons et lointains mystérieux, attirés par l’inconnu. L’univers créé par l’artiste a quelque chose de séduisant… Côté « matière », on se régale devant les tirages sur toile: couleurs mates, impression de fusain ou de pastel sec…

Dijon a la chance d’avoir cette Galerie Le Trigram , qu’on se le dise! Elle reçoit des artistes (des pointures!) qui, souvent, nous seraient inaccessibles au fond de notre petite province!! Si! Si! Et elle sait aussi s’intéresser à des artistes locaux. Merci.

Jean-Philippe Jarlaud a écouté la forêt parler

En janvier-février 2025, l’artiste-photographe Jean-Philippe Jarlaud exosait au Rez-de-Jardin, « Orée ». 11 rue d’Artois, 21121 Fontaine-lès-Dijon. Vendredi 14-19h; samedi et dimanche 11-19h. (Présence de l’artiste en continu.)

Cette exposition de photos n’en n’est pas vraiment une! Pas de jolies images encadrées et vitrées! (Ouf!) L’artiste Jean-Philippe Jarlaud se transforme plutôt en conteur. Il propose un récit photographique intitulé « Orée ». Quelque chose de linéaire, accompagné d’un poème lu et de quelques objets (cf le visuel, plus loin ci-dessous)… Une installation, plus qu’une exposition.

Alors… on se campe devant le premier panneau de photos.

Happés par le texte, on lit. Début de l’histoire de ce personnage qui a franchi l’orée (une frontière, un entre-deux…) et va se perdre dans la forêt…On se surprend ensuite à lire les images comme on lit les textes. On suit du regard. On va à la ligne. Puis, on passe au paragraphe suivant. On avance. On chemine. S’il y avait des pages, on les tournerait.

C’est juste suggéré. Photos et mots d’un artiste qui semble nous chuchoter à l’oreille. Mais on prend part pleinement à cette pénétration dans le monde de la forêt. Ses bruits, ses regards, ses apparitions, sa magie, sa violence parfois… On participe!

Ce conte que Jean-Philippe Jarlaud a composé, on peut le prendre de diverses façons. Réaliste ou symbolique. Concret ou allégorique.

C’est, évidemment, bien davantage qu’une promenade dans les bois, l’appareil photo autour du cou.

C’est d’abord une leçon d’humilité: apprivoiser ce territoire étranger à l’homme, tenter de s’y adapter, de le comprendre, sans être un intrus, un destructeur, un ennemi, un dictateur…. Et, peu à peu, peut-être, se métamorphoser, pour mieux s’intégrer à lui. « Je voudrais sentir que je fais partie du cercle des minuscules, des poilus, des plumeux, des écailleux… » Oublier son propre état. S’imprégner du végétal et de l’animal, jusqu’à devenir …ça.

« Je me végétalise » dit le personnage créé par Jean-Philippe Jarlaud.

Ce n’est certes pas un hommage à l’humain! L’homme n’est présent, dans cette histoire, que comme le chasseur! « Je suis chez les hommes qui portent la guerre ». On voit de loin un petit bout d’urbanisation que l’on s’empresse de fuir! Les traces de l’homme ne sont pas des pieds nus , mais des empreintes de grosses roues! Bouh! Le vilain prédateur!

L’homme, finalement, a perdu son identité primitive. Au coeur de la forêt, le personnage sent intuitivement qu’il fait partie de cette vie-là mais qu’il n’est pas encore tout à fait prêt à l’assumer. « Je suis celui qui marche entre deux mondes ».