« L’art dans les granges » fêtait sa 23ème édition cette année 2023. C’est dire la pérennité de la manifestation, son ampleur et son succès. Bénévoles de l’association et habitants des 4 villages en question (Villy-en-Auxois, Villeberny, Salmaise, Verrey-sous-Salmaise) font un super boulot. Ce week-end des 5-6 août, il faisait gris, frisquet et humide… Et pourtant, les visiteurs arpentaient les rues pour tenter de voir tous les lieux d’accueil et tous les artistes invités! A nous, il nous a fallu presque deux jours ! Et encore, on en a manqué!! On a apprécié une fois de plus ces granges et autres pièces plus ou moins abandonnées qui permettent aux artistes de réaliser une installation originale et personnelle.
Bien sûr, les niveaux des exposants sont divers. Du plus haut au plus bas! Mais « il en faut pour tous les goûts » dit-on. (Je ne suis pas toujours d’accord avec cette notion car, si l’on veut « éduquer » un peu nos congénères au plaisir de l’art, ce serait mieux de leur montrer du pas trop mauvais! Qu’ils ne mélangent pas tout, qu’ils ne soient pas trop perdus…)
Voici ceux que j’ai retenus, parmi les artistes que je ne connaissais pas:
Corinne Bretel. De fascinantes peintures, qu’elle explique d’un discret et mystérieux « technique mixte sur papier (ou sur toile) » . On n’en saura pas plus! Corinne Bretel semble effleurer la réalité, glisser comme une ombre silencieuse pour ne pas déranger le vivant. Ici et là on reconnaît des formes végétales ou humaines (féminines) qui se mêlent et se confondent parfois. Quelque chose de suranné, aux teintes délicates, aux traits presque timides. Et pourtant, ces œuvres ont une expression forte et maîtrisée. Elles questionnent, touchent et attirent…A regarder comme on feuillète un livre ancien, fragile et respectable.
Fabrice De Paola. De véritables sculptures tout en laine, coton et jute! Extraordinaire travail textile, riche de couleurs, de matières et de reliefs. Fabrice De Paola a fait des études de stylisme de mode puis il fut peintre. Voilà comment ce chemin l’a mené à créer des figures en tricot ou crochet. C’est une nouvelle façon pour lui de s’exprimer, de raconter, de dire sa vie ou celle des autres… Drôle d’univers. Un peu baroque, un peu magique, ou symbolique, parfois humoristique. Fabrice de Paola… De son geste répétitif et ancestral, du bout de ses aiguilles et de son crochet, naissent des créatures bourrées de rêves, d’expériences, de rires ou de souffrances.
Hervé Pelfini. Parce qu’ils sont étranges et réveillent nos vieux cauchemars de contes fantastiques de l’enfance, on les aime ces visages créés par Hervé Pelfini! Ce sculpteur sur bois et pierre (et peintre également) a choisi ici de travailler une pâte un peu mystérieuse qu’il fabrique lui-même avec papier journal, colle, sciure, poussière de terre … On l’imagine pétrissant cette matière d’où vont naître des têtes de gargouilles, de Quasimodo, de Gorgones, de diables cornus, de faune etc. Elles paraissent à peine finies, comme extirpées à l’instant de ce magma créateur… Elles viennent de loin. Sans doute du fond du Moyen Age. Ou de quelques mythes anciens. De quelques légendes universelles et éternelles. La salle de château où étaient présentées ces sculptures, entre toiles d’araignées, boiseries ruinées et courants d’air leur offraient un cadre idéal !
Il y en eut d’autres, bien sûr, qui m’ont interpellée! Sybille Ritter et ses céramiques, Marie-Gala Perroud et ses compositions d’argile et de végétaux, Carine Olivier et ses collages surréalistes, Nancy Cardinal et son univers de magie, Maryse Lebastard et ses animaux protecteurs. Et puis, ceux que je connais et que je n’oublie pas, Sylvie Arfelli, Matthieu Louvrier, Allan Ryan…
A L’Hostellerie, dans le parc de la Chartreuse (tout près du puits de Moïse), Itinéraires Singuliers a proposé l’exposition « Henri Guibal, la couleur et son ombre ». En août-septembre 23.
« La couleur et son ombre », c’est en effet deux aspects de l’art d’ Henri Guibal: une face sensuelle, colorée, souriante. Et une face sombre, douloureuse, poignante. Deux côtés de la vie. On connaît tous cela…
La première et la dernière salle montrent des femmes et des paysages qui pourraient faire penser à l’ambiance des tableaux de Gauguin. Une végétation luxuriante, des femmes à demi-nues, lascives et libérées…Je ne crois pas que H. Guibal soit allé en Océanie, juste dans le Midi de la France! Mais il exprime ce bonheur simple et nature, enveloppé de tissus joyeusement colorés (on en devine des morceaux ici et là) et mêlé à des paysages chauds et généreux. Ci-dessous, un extrait d’une de ces peintures avec femmes, et une autre toile où la couleur elle-même, en mouvements, crée le paysage. C’est plein, vivant, fougueux, ardent… Telles des œuvres de certains peintres « Fauves ».
Dans la salle centrale, l’atmosphère se fait plus lourde, plus violente. Le thème s’intitule « l’enfant mort ». Pendant six ans, Henri Guibal, devenu un peu plus âgé, a travaillé sur ce sujet, réalisant plusieurs études et toiles. « Je ne sais pas qui est cet enfant », dit-il. Mais on comprend qu’il représente sans doute tout ce qui est insupportable à l’homme : la souffrance, la guerre, la séparation, la misère… la mort. Cette partie de l’exposition est évidemment très forte. J’ai été particulièrement touchée. Les dessins, surtout, m’ont paru tellement spontanés, expressifs…Jetés en quelques cris sur le papier…Des dessins-hurlements. Des dessins-déchirures. A l’origine de ces extraordinaires dessins, on imagine une gestuelle de l’artiste pleine de colère, d’impuissance, de désespoir.
Mais, de toute façon, Henri Guibal a le pinceau et le crayon tellement sûr, vif, direct, sincère…!
L’été 2023, le musée des Beaux Arts de Dijon a proposé une grande exposition temporaire de Marc Desgrandchamps, « Silhouettes ».
Ce monsieur Desgrandchamps est né en 1960. Il fait partie (si l’on veut le ranger dans un tiroir) de cette nouvelle figuration que propose la peinture contemporaine depuis quelque temps. J’ai vaguement pensé parfois, au gré de ma visite, à David Hockney, Françoise Pétrovitch etc. Comme eux, Marc Desgrandchamps crée un univers ambigu. La réalité est là, reconnaissable, mais fragile, à demi effacée, prête à disparaître…Les ambiances peuvent être calmes et sans histoire (bords de mer, souvent) mais il y a comme une angoisse qui rôde: où et quand vont arriver la cassure et la chute…?
Sur de grands formats, aux teintes bleues ou vertes, des figures apparaissent, souvent solitaires et de dos, visage caché. Jeunes femmes modernes, portant téléphone portable et tongs. Les contours du dessin sont plutôt incertains et maladroits, les choses se traversent les unes les autres. Ou se superposent. Les silhouettes sont flottantes. Les temps sont mêlés, passé-présent : des fantômes de statues antiques dialoguent avec des personnages vivants aujourd’hui. Des reconstitutions de tableaux anciens (le déjeuner sur l’herbe ou la flagellation, par exemple) explosent leur existence et deviennent des scènes actuelles… Atmosphère étrange!
Marc Desgrandchamps a tendance aussi à fragmenter le réel, à séparer des morceaux de corps ou d’objets. Là, davantage encore, le malaise est présent. Les choses et les êtres peuvent se briser, et perdre des pièces… Le doute…Rien n’est solide ni sûr. Notre perception du monde est sans cesse à remettre en cause.
Il n’est pas facile d’exprimer une vrai opinion sur cette exposition au musée de Dijon. Intéressante, oui. Représentative de son temps. Mais j’ai quand même une hésitation! Puis-je croire totalement en ce travail d’artiste, ou faut-il y voir des procédés un peu systématiques qui manqueraient de sincérité? Tels les Surréalistes par moment…
Au fait! J’ai évoqué plus haut Françoise Pétrovitch… J’adore! Aucune hésitation pour elle!
Anne Girard a exposé ses « tressages » dans le nouveau petit espace d’art de Fontaine-lès-Dijon, Le Rez-de-Jardin, 11 rue d’Artois. C’était en juillet 2023. Anne était présente en permanence, prête à discuter avec vous!
Dans les peintures abstraites d’Anne Girard, on percevait déjà des assemblages. Éléments organisés, formes regroupées, pour aboutir à des ensembles cohérents et harmonieux. Dans la série qu’elle présente au Rez-de-Jardin, voici à nouveau des assemblages. Mais très différents. Cette fois, ce sont des pièces qui flirtent avec le volume. Entre peinture, sculpture et bas-relief.
Anne Girard les nomme « tressages ». Ce sont des bandes inégales qui s’entrelacent de façon plutôt irrégulière. Ce pourrait être du textile. On y pense, évoquant tissages et tapisseries. Mais ces entrelacs sont en papier. Elle aime le papier pour « sa souplesse, sa générosité, sa fragilité ».
Dans ses œuvres anciennes, elle a récupéré des chutes. Elle les a retravaillées puis entrecroisées. Comme des reprises. Je me souviens de ma grand mère qui reprisait ses bas! L’aiguille passait et repassait. Par-dessus. Par-dessous. L’homonymie m’amuse! Anne, aussi, fait des « reprises », dans le sens où elle « reprend » des morceaux anciens.
J’aime cette histoire de temps croisés, de fragments du passé qu’on répare pour une nouvelle phase de vie…
Au début de l’été 2023 Joëlle Bondil a exposé « Pousser les murs » à la Galerie Trigram, 29 rue Charles Dumont, à Dijon.
La Galerie Trigram, art visuel contemporain, a ouvert à Dijon en mars 2023. C’est déjà sa 3ème exposition. Mais pour moi c’était la 1ere visite! J’ai passé mon temps le nez sur les œuvres de Joëlle Bondi, à guetter les minuscules maillages, les petits traits minutieux, les points de chaînette, les fines empreintes de tarlatane… J’avais l’impression qu’elle avait détaché de larges fragments de peaux et que je les regardais à la loupe. Ces épidermes, impalpables membranes, seraient mouvants et élastiques. Gonflements, extensions, déformations, respirations, succions… Peut-être invasions… (Dans l’une des séries de l’artiste, de mini-maisons en origami se retrouvent enserrées dans ces filets.)
Voilà pour ma première sensation! Quelque chose d’organique et de vivant que l’artiste est allée chercher dans l’immensité du petit, qu’elle a rendu avec une lenteur, une minutie et un geste répétitif qui relèvent du sacré.
Ensuite, l’oeuvre de Joëlle Bondi m’a évoqué, de ci de là, des réseaux (informatiques?), des courbes de niveau, des paysages en dentelles ou broderies, des pixels, des images scannées à l’intérieur du corps humain … Ces références diverses sont signe d’œuvres d’art!! (Si ça n’existe pas, c’est pauvreté!)
Chaque oeuvre est « signée » d’un petit fil noué en bas à droite. J’aime beaucoup! C’est à la fois le matériau de l’artiste, la finition et la signature.
La silhouette d’homme, renversée, tissée d’un fil rouge, sur le même principe que tout le reste du travail de Joëlle Bondil m’a laissée un peu plus indifférente. Elle est en vitrine (double face) et assez spectaculaire. Je suppose que cette œuvre fait partie d’une autre série sur le corps humain. Dans ce cas-là, ce peut être intéressant. Mais ici, ça m’a paru ajouté.
Une vingtaine d’artistes de 13+ ont exposé dans l’église St-Philibert, à Dijon, sur le thème du « Blanc ». en juin 2023(cliquez sur les visuels pour agrandir)
On sait que St-Philibert est un lieu ingrat pour y installer une exposition d’art…On sait qu’exposer en groupe sur un thème imposé n’est pas toujours simple…On sait qu’une exposition collective a forcément ses côtés négatifs…Et, malgré tout ça, « Blanc » a réussi à être une exposition très agréable, harmonieuse, délicate, avec des moments forts, des personnalités qui se dégagent, mais aussi avec des liens entre les oeuvres…Disons, que l’ensemble ne fait pas du tout foutraque!!
Chacun a exprimé son idée du blanc, son rapport au blanc, sa vision du blanc… textiles, neige, nuages, symboles, pigments, animaux…Et chacun a utilisé son médium, céramique, peinture, carton, tissus, papier, photo, vidéo et même…blanc de poireau!! Quant au ton! Varié lui aussi! Humoristique, politique, romantique, nostalgique…
La balade dans les allées sableuses ou pierreuses de cette ex-église, est riche de surprises, de coups d’émotion et de sourires.
Du haut en bas: collectif, E.Lagnien, F.Adenis, P.Serre, M.Reboulleau, Odile Massart, M.Malherbe, F.Orzel, JP Jarlaud.
Au cas où vous ne pourriez pas ouvrir ce lien, vous pouvez mettre simplement lerezdejardin-fontaine sur votre moteur de recherche, vous aurez accès au site et à l’article sur Sylvie Arfelli.
Au Cellier de Clairvaux, Dijon, boulevard de la Trémouille, la belle salle du haut accueillait l’exposition « Ciels » de Matthieu Louvrier en mai 2023
Prendre le ciel et lui offrir la surface de la toile du peintre. Prendre son abstraction. Ses profondeurs. Son mouvement. Ses lueurs. Son nuancier… Le pinceau le recrée. Le peintre le réinvente.
Laissez-vous aspirer par ces grandes toiles de Matthieu Louvrier. Restez un moment devant. Ou écartez-vous, éloignez-vous sans les quitter des yeux. Vous allez voir peu à peu les nuées s’ouvrir, les nuages bouger imperceptiblement.
Et puis, de l’infiniment grand, passez à l’infiniment petit. Matthieu Louvrier compose des mini poèmes-paysages. Des petits formats, à lire doucement, de près, intimement. Ce sont des horizons. De nuit, d’été, d’hiver… Ce sont des ballades de Chopin en peinture!
Certains sont noirs, faits de matière plus épaisse. L’ambiance est plus tragique aussi. Mais j’aime!
Enfin, appréciez ces voiles descendant des voûtes du Cellier. Y apparaissent des silhouettes de paysages à l’encre de Chine. Ces tissus structurent l’ensemble, permettent des visions et des transparences du plus bel effet.
Avant de quitter la salle, regardez la table qui montre ce que fait la maison d’édition « Laure et Amon » (créée par le collectif du même nom dont fait partie Matthieu Louvrier), ça vaut le coup.
Comme cette exposition de Francis Orzel avait lieu au Rez-de-Jardin, nouvel espace d’art à Fontaine-lès-Dijon, je vais juste vous donner le lien pour visiter le site de ce lieu. Vous aurez tous les renseignements (je gère aussi ce site-là! comme ce doudonleblog!!)https://www.lerezdejardin-fontaine.fr/
Au cas où vous ne pourriez pas ouvrir à partir ce lien, il suffit de mettre lerezdejardin-fontaine dans votre moteur de recherche!! Merci! Et bonne visite!
L’expo , la première de cet espace d’art, était en mai 2023.
Le festival de Itinéraires Singuliers c’était au printemps 2023. Nombreuses manifestations (à voir sur le site de l’association). L’exposition « Désirs en créations » à l’église Saint Philibert, en particulier.
Foisonnement chaleureux… On est venu partager des imaginaires, des envies, des colères, des récits de vie, des espoirs. Travaux de groupes (centres sociaux, écoles, centres de soin, Ehpads…) derrière lesquels on sent le bonheur de s’exprimer enfin, mais aussi les tensions, les difficultés, les échecs vaincus. L’église St-Philibert retentit de mille couleurs. Elle vibre de mille ondes et vibrations qui se répondent et se tiennent la main.
Ici, parfois, exposent aussi d’excellents artistes plasticiens. C’est différent. C’est repérable… Maria Manuella, Pascale Roussel etc.
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