Les élèves de la plasticienne Anne Chignard (ateliers d’arts plastiques de la Ville de Dijon) ont exposé à La Minoterie, avenue Jean Jaurès, Dijon , en début d’été 2016
Sur le thème du Bleu, voici un monde fou-fou! On se balade entre ces centaines de travaux d’élèves, tous plus créatifs les uns que les autres. Et, bien sûr, on n’y voit que du bleu….
Tissus, poterie, photos, peintures, écritures, volumes, collages, carnets de voyage, installations…C’est d’une variété! Et d’une richesse d’imagination et de bien-faire! On aime ces grosses coquilles bleues descendues du ciel, qui s’ouvrent un peu pour laisser voir leur petit univers intérieur.
On aimerait avoir quelques indications des consignes de la prof, parfois. Savoir d’où est partie la démarche. Tout ce travail sur la couleur bleue…comment ont-ils cheminé, inventé, imité, interprété, partagé…Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Le collectif Mulupam a exposé cet été 2016 en deux endroits à Dijon en même temps: Péniche Cancal, « Immergés » (port du canal ) et bar Alchimia, rue Auguste Comte, « Émergés »
Trois jeunes filles artistes plasticiennes, venues des Beaux Arts de Dijon, Muriel, Lucile et Paméla, (d’où leur collectif Mulupam) donnent à voir leur travail. Encore pas vu à Alchimia (faudrait que je me dépêche!) mais beaucoup apprécié à la Péniche.
Elles ont réalisé une fresque tout le long des parois intérieures du bateau. Sur le fond noir, elles ont peint au blanc de Meudon. Si elles ont voulu donner l’impression que l’on était sous l’eau (« Immergés » s’appelle l’expo!), c’est réussi! En lisière, au bord supérieur de la paroi, quelques vaguelettes et petits remous… Et, sous la surface de l’eau, apparaissent et disparaissent quelques silhouettes, quelques visages, quelques regards, quelques êtres aquatiques… Visiblement, ils viennent de plonger. Mais aussitôt, les traits s’estompent plus ou moins. Ne restent que des traces, des fragments, des filaments de vie. L’eau est noire et profonde… Et ils vont s’enfoncer! La bière que l’on sirote en regardant tout cela se fait rêveuse!
Le travail peut évoquer l’art aborigène. Mais c’est une réalisation bien personnelle malgré tout. Les lignes et petites touches délicates sont discrètes. Rien d’appuyé. Rien de trop. Mais l’expression est forte. On y sent la part immergée de nos âmes, de nos mémoires, de nos secrets. Bravo les filles!
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Marie Javouhey a présenté une rétrospective de son travail aux Abattoirs d’Avallon au printemps 2016. « Un parcours », s’intitulait simplement cette exposition exceptionnelle.
Depuis avril que j’avais dans la tête cette expo! Et que je ne trouvais jamais ni le temps ni l’occasion d’y aller! Enfin, ça y est, j’ai fait le tour de ce « parcours » en compagnie de Marie Javouhey, cette dame agréable, passionnée, simple, drôle… et surtout, peintre!
Plus de 40 ans de peinture se trouvent ici réunis! D’étape en étape, on suit ce chemin de passion. Chaque tableau a son histoire et l’auteure vous la raconte avec humour, émotion et modestie. C’est un peu la biographie de l’artiste que nous lisons ici! Sa vie d’épouse, de maman, d’éducatrice, de grand-mère… Mais, passons! On craindrait presque d’être indiscret!
Très vite, on est pris par l’extraordinaire univers pictural que crée Marie Javouhey. Cette fois encore j’ai été surprise par la façon dont elle mêle les couleurs. Les travaille, les superpose. Jusqu’à construire de la solidité. A bien regarder, on penserait à du crépi, à un enduit… Quelque chose de consistant. Et pourtant, rien de pesant ni d’épais. C’est miraculeux.
« Rouge-Ire » (extrait)
De cela découlent des couleurs indéfinissables. Tant elles sont mariées harmonieusement. Mélangées, mais aboutissant néanmoins à des familles chromatiques pour chaque toile. On est ici par exemple dans des vermillons, pourpres, carmins, orangés, jaunes… Puis, nous voilà dans des bleu nuit, bleu ciel, outremer, turquoises…
Et dans cet « enduit », l’artiste trace… Sur la toile, apparaissent alors des traits fins qui dessinent des formes maladroitement géométriques. Des carrés naïfs, des rectangles déchirés, des losanges écrasés, des trapèzes aplatis. Toutes sortes de signes un peu bancals. « Je suis souvent restée dans le monde de l’enfance! » reconnaît Marie Javouhey. On évoquerait volontiers une écriture qui raconterait des rencontres, des chocs, des séparations, des silences… « On apprend à voir derrière la façade » disait Klee!
« Walk the walk »
On n’est évidemment pas dans la représentation. Ces oeuvres palpitent de quelque chose de vécu, certes, mais on est passés bien au-delà de la réalité.
J’arrête là, vous laissant relire le texte qui suit, que j’avais écrit il y a quelques années à l’occasion d’une exposition de Marie Javouhey à Fontaine.
« On a toujours l’impression que Marie Javouhey travaille une matière vivante, et non une banale pâte colorée. Végétale, minérale, spatiale, planétaire…ou humaine. Que sais-je?
Avec elle, il est à peine question de surface. On est dans l’épaisseur. Et on cherche les ouvertures pour descendre au cœur de la toile peinte. Pour pénétrer dans les profondeurs de son intimité. Elles existent. Il suffit de suivre le réseau de lignes naïves, ténues qui sillonnent souvent le tableau (à la Kadinsky) et guident le regard (comme le tracé, en surface, d’un monument enfoui sous terre et dont les contours sont révélés par une vue aérienne). Et quelques petites porte se présentent, aux endroits où l’artiste a gratté pour rejoindre les couches inférieures. On va pouvoir s’enfoncer. C’est doux. Lumineux. Harmonieux.
Marie Javouhey fait partie de ces artistes qui savent révéler la densité des vies. Si nos existences ne sont pas faites d’une plate suite linéaire d’évènements, mais plutôt de temps superposés, de moments empilés, qui s’entrelacent, se soutiennent et se construisent les uns les autres, l’artiste exprime cette somme inépuisable.
Vous pouvez également laisser aller vos yeux sur ces toiles abstraites (accès direct, sans vitres) aux couleurs richement travaillées, à la musique chromatique agréable, aux formes maîtrisées… »
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Décidément la sardine n’en finit pas de nous éblouir et de nous régaler à Fontaine-lès-Dijon. Les élèves des ateliers de la Sardine Éblouie ont exposé comme chaque mois de juin à la Galerie La Source. « C’est dans la boîte » en était le titre. Art plastique avec Nadine Morel et écriture avec Philippe Anginot.
Des dizaines de bancs de sardines ont envahi la première salle. Plein les murs. Plein les yeux. Collages, peintures couleurs et découpages en folie. Et puis, de leur liberté en océan elles passent aux grosses boîtes qui les enferment. Plein les socles de présentation. Comme des sculptures. A observer et à lire!
Premier étage, encore quelques précieuses sardines mais d’autres choses à voir. Une série sur les portes. Plan serré sur d’anciennes portes, peintes au plus près de la vérité. Un rendu fidèle de la matière, de l’usure, de la rouille… Les visiteurs sont séduits.
Ailleurs, un travail sur l’oiseau. Petits volumes en fils de fer torsadés et partitions musicales (j’avais vu ça dans les ateliers de Odile Rude également) et enregistrements intéressants de voix d’enfants. Très créatif. Le musicien Marc Lapostol encadrait aussi cet atelier. Le cirque en relief, des études au crayon sur la boîte de sardine brute, son couvercle tout tordu après ouverture et son étiquette fignolée (avec jeux de mots: les « Arts dînent à l’huile »!). D’autres dessins, également, qui frisent la virtuosité (carafes et verres sur fond bleu) etc.
Ne pas hésiter à lire les textes de l’atelier écriture qui accompagnent en écho toute cette expo. Et à aller voir le site de ces ateliers : http://lesateliersdelasardineeblouie.blogspot.fr/
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En 2016 (printemps-été), à la Bibliothèque Mitterrand, Paris, Miquel Barcelo donnait à voir son travail… Et c’était quelque chose!
Première émotion! Les verrières du couloir de la Bibliothèque (190 m de long, 6 m de haut) se sont changées en une fresque géante. Miquel Barcelo les a badigeonnées d’argile (lui ou ses assistants, vu le boulot!) à larges coups de brosse ou de serpillère. Gestes sinueux presque réguliers. Courbes. Méandres. Puis, il a tracé, le plus souvent au doigt, de grands dessins dans cette glaise brune. Les traits apparaissent évidemment blancs, super lumineux. Squelettes de poissons ou d’humains, visages, têtes de chevaux, pattes d’ours, silhouettes d’hommes, méduses etc. Des vitraux! Ombres et lumières varient suivant la couleur du ciel et l’heure du jour. Il a intitulé ce travail éphémère « Le grand verre de terre ». Jeu de mots, mais aussi allusion à Marcel Duchamp.
C’est stupéfiant de beauté et d’originalité. Et c’est dans la lignée du travail habituel de cet artiste: l’utilisation de la terre, dont il fait émerger des formes ou des images… Le dessin comme une gravure, une griffure, un grattage dans la matière… L’hommage à l’art rupestre… Quoi d’autre? Si riche tout ça!
L’exposition elle-même, dans son ensemble, reste dans l’idée de cette gravure. De cette matière que l’on peut blesser à grands coups de griffes. Laisser des cicatrices. De l’opaque faire sortir la transparence. De l’ombre, la lumière. Du néant, la vie. Du rien, l’image. On voit des estampes, des gravures sur cuivre (avec les matrices exposées) ou sur bois, des sérigraphies, des collotypies, des lithographies etc. Miquel Barcelo explore passionnément tous les procédés d’impression. C’est « son oeuvre imprimé » qui est présenté ici, comme dit la BNF.
Même les quelques sculptures de brique exposées sont dans le thème: déformées avant cuisson et « sgraffiées » (magnifiques autoportraits, cf visuel) . Même « Le Livre des aveugles » : on glisse les doigts sur les reliefs gaufrés d’un beau papier épais. Même l’oreille d’éléphant naturalisée : elle est devenue parchemin! Même l’eau de Javel qui est une façon de tracer dans le sombre! Même la boulimie des termites d’Afrique qui grignotent bois et papier. Tout est cohérent.
Les sujets abordés sont la tauromachie (Barcelo est catalan), la métamorphose, le double ou l’endroit-envers ou recto-verso, le portrait etc.
« Mère », portrait à l’eau de Javel
Après un regard sur ses carnets d’esquisses et de notes on visionne un film sur l’artiste. Et ça vaut le coup. Entre autre il montre son extraordinaire performance « paso doble » réalisée en 2006 avec le chorégraphe Josef Nadj devant un public malien. Ou comment faire de l’argile cru et malléable des masques, des têtes, des motifs de tableaux. Une chorégraphie-théâtre qui confirme son rapport charnel à la matière!!
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Une petite envolée vers Lyon aujourd’hui! J’ai profité que l’exposition temporaire « Autoportraits » au musée des Beaux Arts n’était pas encore finie pour m’y rendre d’art-d’art . Fort intéressant.
La thématique de l’autoportrait entraîne des réflexions sur plusieurs sujets: au moins la révélation de la personnalité de l’artiste et des renseignements sur l’époque à laquelle il vivait. Or, ceux exposés ici vont de la Renaissance au XXIème siècle. Une mine! L’exposition n’est pas chronologique. Elle est organisée autour de sept thèmes. C’est bien.
« Le regard de l’artiste » est la première salle. Il nous fait face. Il se décrit tel qu’il se voit, tel qu’il se sent. Souvent, il nous (se!) fixe du regard. C’est touchant, surtout quand on a en tête sa démarche, son geste d’auto représentation (devant un miroir, certainement, ou en selfies pour les contemporains), ça en dit long… Un besoin de s’identifier lui-même. De mieux se connaître, se comprendre. De s’affirmer comme vivant. Ou de tenter de se voir comme les autres le voient. Narcissisme? Angoisse existentielle?
anselm feuerbach, autoportrait de jeunesse
Et puis, c’est l’artiste avec les autres. Amis, famille, « collègues » etc. C’est aussi l’artiste qui se met en scène. Ou c’est l’artiste dans son atelier. Plus récemment, c’est l’artiste et son corps (ou des fragments de son corps).
tsuguharu foujita, le peintre dans son atelier
Non seulement, grâce à cette expo, on voit des oeuvres d’art pas forcément très célèbres (du Rembrandt, du Matisse, du Munch, du Courbet, du Wei Wei, du Watteau etc ou…des inconnus!!) mais, en plus, on est amenés à s’intéresser à des modes, des moyens d’expression différents, des techniques variées, des façons de raconter l’âme humaine…
douglas gordon,renaissance d’un monstre
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Il y a plusieurs mois, j’avais apporté à Benvinda un vieux petit cadre pêché chez Emmaüs! Et j’avais demandé à cette artiste si elle pouvait m’y mettre une peinture… Libre à elle. En mai, j’ai récupéré l’oeuvre. Ce fut une bonne surprise.
En proposant à Benvinda Miguens d’occuper le centre de ce cadre avec une de ses oeuvres j’avais confiance. Mais j’imaginais bêtement qu’elle allait y glisser une de ses fines silhouettes auxquelles elle nous a habitués. Peut-être extraite de ses foules de personnages qui s’éloignent lentement… Eh! Bien! Pas du tout! Elle a choisi quelque chose de différent et j’ai adoré!
D’abord, bien sûr, elle s’est appliquée à harmoniser sa palette avec la teinte du cadre. Une ambiance rouge sombre. Et puis, elle a inventé un petit monde intérieur, un home chaleureux, un chez soi intime et accueillant…Sans rien représenter de réaliste, elle a su suggérer un petit espace rempli d’objets indéfinissables (coussins, cailloux??) et d’éclairages mystérieux (fenêtre, porte??).
Nichée au creux de mon cadre, la miniature de Benvinda attire le regard. En quelques touches d’aquarelles, l’artiste a construit une petite boîte à rêves où l’on s’enfonce (c’est fou la profondeur qu’il y a dans ce mini tableau) sans savoir où tout cela va nous entraîner!
« Les nuits sont des jours en panne », exposition de la photographe Elodie Régnier, hall de l’ABC, Dijon. Jusqu’au 9 juillet. Du mardi au samedi, 13h-18h.
Dès la rue, sur la vitrine, une photo avec blanc d’Espagne… Puis, dans le hall de l’ABC, le travail de Elodie Régnier. Un nom dans le monde de l’art et de la photo: lauréate au prix jeune talent (2012), travail comme assistante des photographes Martin Parr et Alessandra Sanguinetti.
Mais ce n’est pas pour ça que je vais m’intéresser à ce qu’elle présente ici. C’est juste parce que ça m’a interpelée. Au départ, des photos. Puis, elle intervient. Découpages, déplacements, effacements, reprise à l’encre de Chine… Les tableaux obtenus sont constitués de fragments. Des personnages à différents plans sans souci de perspective, des morceaux de monuments (dont elle modifie les noms aux frontons). C’est un regard très vrai sur le monde, notre regard habituel qui effleure rapidement, qui oublie, qui confond, qui déforme, qui recrée à notre façon… C’est le sien.
Des cartons bourrés de cartes postales en noir et blanc, photos prises par elle, Elodie Régnier accueillent le visiteur. Prises en Inde, à Marseille, au Japon, à Calais… On a le droit d’en prendre (merci!), ça fait partie de son installation. Là aussi des façons de voir le monde. Par petits bouts. Émouvant.
Visite, en ce mai 2016, de l’atelier d’Alain Steck, qui faisait portes ouvertes…
Son adresse, à Alain Steck, c’est « rempart Tivoli ». Il n’habite pas une rue, mais un rempart! Autant dire à l’intérieur d’un mur (muraille? fortification?) Ce n’est pas vrai, mais j’aime l’image! Et quand on ouvre la porte et qu’on s’enfile dans sa demeure, on n’est pas loin de se prendre pour un passe-muraille! On a un peu l’impression de se glisser dans une fente… J’écarte les bras, je touche les deux murs qui se font face!
L’étroit couloir passé, entrée, vestiaire (des blouses de peintres sont pendues là) ou réserve… on pénètre dans son espace de vie et de travail. Est-ce que je peux parler de « mansarde« ? J’aime bien ce mot. Idée d’intérieur, d’intime et même de vie marginale, de vie d' »artiste »! Sauf que mansarde évoque petit volume et que dans cette mansarde-là, chez Alain Steck, on respire allègrement! L’espace n’est pas large, certes. Mais il y a de la longueur et de la hauteur! Et plein de poutres qui s’entrecroisent. Drôle d’endroit!
Les peintures grands formats d’Alain Steck s’y sentent bien. Sûrement. L’artiste a même surélevé ses portes pour qu’elles puissent passer! Il les a stockées au fond de l’atelier. On les voit, en enfilade. Une foule de toiles qui attendent sagement. On chemine à leurs pieds. On s’enfonce dans le labyrinthe. Elles se montrent ou se cachent. Tournent le dos ou se retournent. On a envie d’engager la conversation avec ces grandes dames… Tant de choses à nous confier, sans doute! Toutes les phases de vie et de travail de notre hôte sont là! Intimidant! Elles cohabitent. Celles du passé et celles du présent. Celles d’une période et celles d’une autre. Celles de « no lands » ou celles de « a beautiful day »… ou celles du retour d’Inde etc. (les visuels ne correspondent pas avec ces exemples)
Et puis, on revient au centre de ce lieu où deux ou trois sièges accueillants nous tendent leurs bras. On est juste sous le toit. Comme à l’abri. On a un verre à la main. Alain Steck, debout, parle de ses dernières toiles qu’il a posées devant nous. En particulier, « The last state of things » . Il regrette que les gens, souvent, « s’arrêtent au sujet »… Ce marigot plein de détritus, par exemple…
Non loin, sa table de peintre: palette de taches, pots de pinceaux et montagne de gros tubes de couleur! En face, à demi dissimulés par les peintures, des piles de dossiers, des rangées de CD de musique, des alignements d’outils, des cartons d’archives… « La peinture est un désordre! Donc, il vaut mieux être assez ordonné, soi-même! » dit-il.
Alain Steck parle bien se son travail.
Un jour, je m’attellerai à une écriture à moi sur son travail! Aïe!
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Au Consortium, l’exposition L’Almanach 16 était installée au printemps 2016
Depuis février, début de cette expo, j’ai repoussé ma visite. Pas trop envie! Et puis, me suis décidée! 18 artistes exposent. Et…pas de lien entre eux. Ni par l’époque, ni par les matériaux, ni par le style etc. A priori ce n’est pas grave. Mais moi, j’ai souffert de ce passage du coq à l’âne, de salle en salle.
Ce que j’ai retenu parmi ces 18, dans l’ordre des salles arpentées:
Alessandro Pessoli et son animation sur le personnage farfelu de Fortunello (créé à l’origine par un comédien italien, début XXème). L’artiste a peint chacune des images d’un film de ce comédien. Huile, acrylique, pastel, tempéra etc. Et voilà ces milliers de « photos » qui passent, se succèdent, s’emboîtent, se superposent, se juxtaposent, se métamorphosent… C’est rapide, loufoque, poétique et coloré. Fortunello, malheureusement, chante. Et là… Carrément insupportable! (voix acide, criarde, et, bien sûr, incompréhensible).
Georges Pelletier, ensuite. Il est céramiste. Jolies réalisations d’argile et de métal, agrémentées de petites lumières intérieures. Ce sont des objets très décoratifs (il y a même des miroirs) que l’on mettrait volontiers dans son salon ou sa chambre (ce monsieur a d’ailleurs créé des luminaires pour Bobois dans les années 60!) . Mais que vient faire cet artisan au Consortium? S’il y a derrière ce choix une raison, genre faire entrer l’artisanat d’art dans la « haute société » de l’art contemporain, pourquoi pas. Mais dites-le. Manifestez-le.
Et voici Shirley Jaffe, américaine, née en 1923. Ses peintures ont des structures colorées, des éléments graphiques noirs, des motifs géométriques. Et tout cela est éparpillé sur fond de toile, souvent blanc, en compositions maîtrisées. Une écriture un peu à la manière de Miro. Une musique un peu à la manière de Kandinsky. Quand l’art quitte le figuratif et s’exprime seulement grâce à la couleur et aux formes… Toute une époque. Intéressant.
Didier Vermeiren, lui, a occupé une grande salle où ses sculptures dialoguent étrangement bien dans cet espace. Son art minimal a quelque chose qui touche. On ne sait pas trop pourquoi. Des cubes, des plaques… En pierre, en plâtre… Des petits parallélépipèdes en bois, superposés sur une colonne… Des « boîtes » creuses en bois aux faces découpées…Du noir. Du blanc. Des objets anguleux, rigides, lourds… L’ensemble est cohérent. Des photos, au mur, en parallèle à l’oeuvre sculptée, répondent aux socles qui occupent le sol. Oui, des « socles ». C’est ça l’essentiel de l’oeuvre de cet artiste. Sa recherche. Il les creuse, les « retourne » (comme un gant), les raccourcit etc. L’un de ces socles est en pierre noire, comme une tombe en marbre, posée sur une mousse polyuréthane: idée d’écrasement. On attendrait les statues qui seraient debout sur ces socles… Un Rodin. Un Carpeaux. Mais non. Fantômes.
Peter Wächtler, aime la culture populaire, nous dit-on (petit livret toujours fourni au visiteur du Consortium, merci!). Cette grande aquarelle sur papier raconte ce qui se passe au coeur d’une cité, fourmille de détails, décrit la simplicité et la difficulté de vivre ici. L’artiste fait preuve de modestie, de naïveté, d’humour, de réalisme et refuse de se prendre la tête. Ses céramiques qui montrent des poulpes, crabes ou serpents en train de combattre à mort sont volontairement de facture grossière mais ne manquent pas d’allure. Ces bestioles figées soudain dans leur extrême violence ne laissent pas indifférent.
Sinon, L’Almanach 16 nous fait la surprise d’accrocher des peintures du XVIIIème et du XIXème siècle! Oui, oui! Un artiste qui a fait des copies de Raphaël. Un autre qui a fait des toiles dans le style de Courbet. Choc! Surprise! Perplexité! Mais j’y ai pris du plaisir!
Dernière chose à retenir de cet Almanach: le déplacement de toiles de Claude Rutault. De celles qui occupent la façade du Consortium depuis 2012: « L’adresse ». Sept d’entre elles ont été retirées de leur place au mur, puis peintes en bleu (alors qu’elles étaient blanches), et accrochées dans une des salles dont les murs ont été eux aussi peints en bleu. Ton sur ton. (Cohabitation de la toile avec son mur, idée de cet artiste). A la place des oeuvres disparues, sur la façade, on a apposé des petites toiles bleues (mais on distingue, dessous, la trace des toiles enlevées), comme ces « bons de déplacement » que l’on voit dans les musées lorsqu’une toile a été prêtée à un autre musée ou partie en restauration et a laissé place vide au mur… Cette idée d’un travail d’artiste qui bouge, qui quitte provisoirement son emplacement d’origine (la « matrice » dit Rutault), qui se modifie pour l’occasion, qui vit une autre vie…Cette transhumance… Donne matière à réflexion.
Les visuels sont de Annie, merci à elle! Cliquer pour agrandir, en deux fois, et voir les noms des auteurs
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