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Salon des artistes, Fontaine

Salon annuel à Fontaine-lès-Dijon. Fin avril début mai 2023, au Centre Pierre-Jacques.

Les « salons » ce n’est pas ma tasse de thé!!!!!

Comme d’habitude (mais peut-être encore davantage que les années précédentes) je n’ai été touchée, émue, intéressée ou carrément conquise… qu’une dizaine de fois dans le dédale des œuvres présentées!

Voici mes coups de coeur (comme on dit) ci-dessous, pas forcément dans l’ordre de préférence!!: Norbert Pagé invité d’honneur, ChAnne, Francis Orzel (les formats paraissent plus petits sur cette photo qu’en réalité!), Bernard Pourchet (intéressant travail numérique, ici un extrait), Martine Challaux-Berthet, Jérôme Kirchemann (un hyper réalisme qui a l’honneur de me plaire!), Dominique Meunier, Lucile Pattar

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Art à Reulle

A Reulle-Vergy (21220), à La Grange, en avril 2023. C’était beau…malgré le froid!!!

Reulle-Vergy a son image de marque, son Carrefour Artisanal tous les ans début juin. Mais l’association en question organise bien d’autres manifestations dans le village. Cette semaine d’avril 2023, l’art est là! Comme l’an passé. Le projecteur est toujours dirigé sur l’artisanat, ça se sent. Mais la frontière entre artisanat d’art et art???…Si ténue! Je me suis régalée, en tout cas, en me baladant dans cette grange superbement aménagée (un peu frisquette! mais bon!) à la rencontre des artistes.

Ci-dessous, quelques coups de coeur (et découvertes)

Les « toiles d’argile » de Montserrat Torrents. Des tableaux de céramique. Sur fond de métal, compositions aux matières et teintes subtilement travaillées.

Les douelles de Viola Montenot. Peinture et collages sur ces planches à tonneaux joliment courbées. Sur le thème de la Renaissance, un raffinement extra.

Sylvie Arfelli fait naître des êtres improbables en céramique, mi-végétaux mi-animaux. Et elle fabrique des carnets, livres, parchemins et feuilles volantes…en céramique. Magnifique!

Lucile Pattar présente son « journal » en une série de petites encres. Blotties dans des cadres blancs. De page en page, on entre dans ses paysages intérieurs. Profonds et aériens à la fois.

Elle appelle cela ses sculptures. Stéphanie Gerbaud découpe au scalpel des plans et des cartes… Et ça devient des dentelles, des trames, des documents fantômes. Elle creuse aussi des livres. Elle leur communique une profondeur inattendue. Elle leur fait dire ce qu’ils n’auraient jamais pensé dire!

Dans la Grange, aussi… des bronzes, des photos, du bois tourné, des peintures à la cire d’abeille, de la terre cuite…avec Annick Dumarchey, Lydie Billon, Rachel Seguin, Amandine Dirand

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Christine Vadrot, à La Source

La Galerie La Source, à Fontaine-lès-Dijon, vous propose l’exposition de Christine Vadrot, « Herbe cri » jusqu’au 7 mai. Du mercredi au dimanche, 15h30-18h30. Vraiment intéressant.

Vous allez vous poser la question dès l’entrée! Peinture ou numérique? Très vite, vous saurez que le travail qui est devant vous, en grands formats, est celui d’une artiste qui peint. Et qui peint bien! Mais, n’empêche, vous aviez un peu raison de vous interroger! Car Christine Vadrot s’intéresse à cette présence permanente et envahissante du numérique dans notre vie d’aujourd’hui. Cette nouvelle drogue. Elle glisse le doute en nous. Elle joue avec les ambiguïtés, les illusions. Et elle imagine une métamorphose de l’univers… Ses herbes, d’une peinture à l’autre, sont tantôt réalistes (mais déjà inquiétantes dans leurs étranges entrelacs) tantôt numérisées, comme fabriquées par une intelligence artificielle. L’artiste les nomme parfois « Herbes connectées ». Elles deviennent grillages rouillés, fouillis d’antennes, tiges métalliques et barres dressées. Le tout installé sur fond de nuages paisibles dans un calme ciel bleu… Troublant.

A l’étage, d’autres paysages vous attendent. Faussement « photographiques ». Voyez ces petits formats lisses, montrant des éléments de nature presque aussi vrais que sur des photos de vacances! Mais… soudain, la réalité bascule. La colline, à contre jour, mystérieuse, n’est-elle pas un animal? « Les montagnes marcheront vers la mer » me prédit le titre. Et en quel temps sommes-nous? A l’aube de la Terre? Les volcans primitifs explosent, les météorites s’écrasent au sol, l’homme n’est pas encore né, la nature commence seulement à ouvrir les yeux… Incertitude. C’est « Avant le temps » me chuchote le titre… Vertige.

J’ai aimé cette exposition où l’on passe d’une certaine quiétude devant un paysage d’un joli vert moussus à un questionnement angoissé. L’art, c’est ça! Montrer autre chose. Interroger. De plus, et ça n’est pas négligeable, le souci de l’esthétique est présent. Dès la première salle du rez-de-chaussée, les tableaux offrent une certaine séduction: perspectives, succession de plans, lumières, élégance du trait…

Que l’artiste m’excuse, je n’ai pas réussi cette fois à mettre des légendes sous les visuels. Je les ai écrits à la suite, ici (Ce sont des séries souvent et je n’ai pas marqué les numéros correspondants)

De haut en bas: -L’état sauvage, -Herbe rouille, -Le soleil s’offusque, -Les montagnes marcheront vers la mer

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Germaine Richier, Paris

Au Centre Pompidou, Paris, l’exposition de Germaine Richier (1902-1959), c’était au printemps 2023

Je crois que Germaine Richier tente de saisir l’humain à vif. L’humain dans la totalité de ses contradictions: extérieur et intérieur, visible et invisible, fort et fragile, violent et attendrissant. Et l’humain en perpétuelles métamorphoses, dans ses « passages » constants, physiques et mentaux. Et encore…l’humain comme faisant partie de la vie universelle.

Ses premières sculptures sont si sages! Oeuvres classiques, figuratives. Oeuvres d’atelier, avec les techniques de mesure au compas et au fil à plomb.

Mais, assez vite, Germaine Richier s’échappera de ces règles de base, sachant les utiliser, bien sûr, mais sachant aussi créer à sa façon. Et de quelle façon! On sent sa fougue passionnée à malaxer et triturer la matière. Elle utilise même des outils qu’elle appelle ses « épées » pour mieux creuser et déchirer son matériau, la terre. Il semble qu’elle s’acharne sur le corps « plein » (c’est son terme) pour chercher plus loin, sous la peau, sous la chair … Troublant!

Germaine Richier est fascinante dans sa façon de partir du « vrai » (ça aussi c’est son terme) et de déformer, transformer, recréer. Son oeuvre est faite de monstres, d’êtres hybrides, d’aliens, de créatures inquiétantes … Elle intègre hardiment le végétal et l’animal à l’humain. Comme si elle prédisait un monde en mutation. Ou comme si elle avait compris que l’univers est un tout, que c’est la vie, tout simplement. Le vivant.

Les personnages de Germaine Richier incarnent le Vivant. Parfois, d’ailleurs, on oublie le côté métallique, rigide et froid du bronze de ces sculptures tant l’aspect paraît souple, malléable et bougeant.

Bien sûr, au premier regard, on voit plutôt des êtres défigurés, torturés… Des gueules cassées, des grands brûlés, des vieillards en souffrance…Et même de grands volumes à la limite de l’abstraction (« la Montagne » par exemple) toujours avec cette expression de déformation dans la douleur.

Mais je ne suis pas sûre que ce soit l’essentiel à retenir de l’oeuvre de cette artiste. Son puissant travail de sculptrice, de créatrice va sans doute au-delà de cette idée de malheur. En fait, elle joue les démiurges, et se fabrique un nouveau monde étrange, différent. C’est une artiste, bref.

Parlons de son fameux Christ! Il a été retiré de l’église d’Assy (Haute Savoie) sous l’impulsion de quelques traditionalistes, mais replacé près de 20 ans plus tard. Cet humble Christ est sur la croix, mais lui-même semble être devenu une simple planche de bois légèrement incurvée. Son corps est exprimé, et non réalisé. On peut y voir l’incarnation de la souffrance physique. Ce serait l’expression d’un corps torturé, presque écorché vif. Mais on peut y voir aussi un supplicié qui a perdu toute figure humaine, désincarné, déjà vivant dans un ailleurs surnaturel… En tout cas, il est beau.

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Evelyne Lagnien, Galerie La Source

A la Galerie La Source, Fontaine-lès-Dijon, « Impression(s) » de Evelyne Lagnien, c’était au printemps 2023.

linogravure

Bonne nouvelle! Evelyne Lagnien revient à La Source! Avec un titre d’exposition simple mais lumineux! « Impression(s) », évoquant à la fois les techniques utilisées et les idées et sensations provoquées par ses œuvres.

C’est bien ça, en effet: plusieurs impressions numériques, sur bâche, tissus, tulle…Différentes gravures…Des monotypes…Des empreintes…Mais aussi photo, peinture, raku… Evelyne Lagnien mêle tout cela de ses habiles doigts d’artiste. Chaque œuvre est le résultat d’une succession d’interventions. Pas forcément visibles ni évidentes. Mais tout ce travail, l’air de rien, communique une richesse à l’œuvre, une sorte d’épaisseur, de profondeur, de légitimité. Et, pour le regardant, c’est aussi un plaisir que ces matières variées à observer, à palper des yeux…

monotype

Pas de panique! Cette abondance de médiums et de manipulations n’empêche pas une unité tout au long de l’exposition. Le fil rouge d’Evelyne Lagnien est toujours là! Depuis des années! Ces visages qui nous guettent, nous accompagnent, se cachent, apparaissent et disparaissent, se modifient tout en se confondant…

impression sur bâche

La Source frissonne et murmure de toutes ces présences. On s’y promène comme dans une forêt habitée d’esprits. D’autant que les images d’arbres et végétations sont nombreuses également.

Pas de vrais portraits. Pas de personnages réels. Plutôt rêvés, imaginés, idéalisés. Quelques bons anges! Des inconnus qui nous deviennent connus!

Dans la lignée de toutes ces apparitions, il y a, au premier étage, salle de gauche, d’étranges silhouettes. Elles sont au mur, sur bâche et – l’artiste le dit – elles sont « remplies ». Comme si elles avaient dérobé puis imprimé sur elles des fragments de paysages ou d’architecture. A leur pied est couchée leur ombre (ou leur reflet). Différente et semblable à la fois. Très intéressant.

Cette exposition joue sur l’illusion, l’apparence et la réalité, l’intérieur et l’extérieur, le vu et le non vu… A l’entrée, c’est un paravent qui vous accueille! Cache-cache tout de suite!

J’avoue que parfois le côté kitch du travail d’Evelyne Lagnien me gêne un peu. Ses colombes, ses voiles, ses femmes fées…Mais il y a tellement d’autres aspects de son travail plus forts… que je lui pardonne volontiers!!!

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Abdelkader Benchamma, Paris

La Galerie Tempon, 30 rue Beaubourg, à Paris, a accueilli encore une fois Abdelkader Benchamma et c’est tant mieux! C’était en mars 23, exposition « Cosma ».

Les murs blancs de la Galerie sont en mouvement! Dessus, les pinceaux d’Abdelkader Benchamma ont dansé! Comme la dernière fois que j’avais vu ce plasticien, je suis enchantée (au sens propre du mot!) par cette prise de possession libre et totale de la salle. Son dessin fin et enlevé court sur les murs. Une fausse cloison, comme déchiquetée, coupe même l’espace en deux.

Après les strates géologiques évoquant les strates de la mémoire, il se passionne pour les veines du marbre. Un séjour en Italie l’a inspiré. Ces veines malmenées par l’usage qu’en font les hommes: les blocs de marbre sont arrachés de la carrière, sciés, coupés en tranches, associés ensuite à d’autres fragments pour créer une décoration dans palais et églises. Les veines sont bousculées, dissociées. Les rythmes cassés.

Et la frise d’A. Benchamma est faite de ces élans interrompus, de ces régularités éclatées, de ces fausses symétries…Il sait se réapproprier les choses de la nature pour les transformer en réflexion et en oeuvre d’art.

Sur ces magnifiques lignes qui valsent aux murs comme une partition musicale, vient parfois se poser un tableau du même thème, troublant notre vision (qui était déjà bien dérangées par ces ondulations plus ou moins décalées!)

L’ensemble de cette oeuvre est en noir et blanc, sauf que… Se glissent ici et là de belles teintes minérales brunes, violettes, ocres ou bleues. Les traits, les blancs, les effacements, les éclaboussures, les lignes de rupture…Tout cela, aussi, contribue à créer un univers envoûtant pour le visiteur, qui ne sait plus très bien s’il est entré dans une église italienne ou à l’intérieur d’un cerveau humain.

En tout cas, Abdelkader Benchamma, s’il veut poursuivre sa quête des strates dans la nature, a le choix! Le profil des montagnes en propose de bien belles, surtout saupoudrées de neige! Noir et blanc! (Tant qu’il y a encore un petit peu de neige en altitude)

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Jacques Braunstein, Hostellerie

A Dijon, dans le parc de La Chartreuse (non loin du Puits de Moïse), à L’Hostellerie, espace d’art et d’expos, l’exposition de Jacques Braunstein « Anamnèse »était au printemps 2023. 14-17h30. Fermé lundi et mardi.

J’en connais, des visiteurs, qui, à peine entrés dans cette expo, feront demi-tour et quitteront les lieux. Ils vous diront « Terrifiant! Trop violent! Morbide! » Peut-être même ajouteront-ils « Ce n’est pas de l’art…! »

Bien dommage.

Oui, cette exposition fait mal. Elle nous poignarde. Mais quelle force dans cette expression artistique…!

Je ne sais pas si Jacques Braunstein a créé cette oeuvre immense (l’expo n’en montre qu’une partie) pour rendre hommage, ou pour éviter d’oublier, pour garder une mémoire, pour témoigner, pour faire savoir et transmettre (ou tout cela à la fois) Mais ce que je sais, c’est qu’il est honnête… et artiste. Contrairement à certains qui, dans le même registre, ne cherchent qu’à provoquer et faire de l’effet.

Sa famille a été victime de l’extermination des juifs par le nazisme. Il était alors petit garçon. Toute sa vie il a porté en lui ce grand trou noir de douleur, d’absence et de silence. Qu’en faire? Il a vécu avec. Mais l’artiste qu’il était avait à faire plus encore…

Autoportrait de mon père

Et Jacques Braunstein a imaginé un geste artistique pour, en quelque sorte, donner de lui-même, s’investir, agir, « faire » en mémoire de ceux qui ont succombé à la barbarie: il a noué des milliers de ficelles (dans un ordre et avec des dimensions précis). Cela fait penser à une performance. Les petits nœuds, le long des fils, égrainent les 6 millions de morts de la Shoah, comme sur un chapelet géant. Geste répétitif. Comme une prière. Et ces cordelettes se retrouvent partout dans son œuvre. Elles s’enroulent autour des ribambelles de mini-momies que l’artiste a réalisées ou elles s’éjectent d’une tête de mort etc… Il a continué inlassablement à faire des nœuds, jusqu’à la fin de sa vie, dans une démarche proche de la sorcellerie.

Convoi 37 (extrait)

Accumuler, compter, multiplier, c’est le leitmotiv de cette exposition de Jacques Braunstein. Les petits nœuds sur les ficelles qui rappellent le quipu inca (système de comptage avec nœuds), les collections de cailloux ramassés et peints, les séries de poupées de toutes tailles entourées de bandelettes et ficelées, tout est réflexion sur le monstrueux génocide des nazis. Des images obsédantes. Je n’ose dire, cependant, que se dégage une vraie beauté de cet ensemble présenté à l’Hostellerie…

La mort est présente tout au long de ce parcours des salles de l’Hostellerie, mais surtout l’insoutenable idée de martyre, dans l’humiliation et la souffrance. Des clous enfoncés dans des corps…vous en verrez de nombreux: et voilà le côté sorcellerie et magie noire qui remonte à la surface.

En visitant cette exposition, j’ai bien sûr évoqué Boltanski. Lui aussi hanté par la Shoah. Leur travail de mémoire, à lui et à J. Braunstein, se situe dans la même veine et la même puissance d’évocation. Même si c’est traité différemment.

Victimes ensevelies

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Manuel Lousa da Costa, Hostellerie

En février 2023, c’était l’exposition « Fragments intimes » de Manuel Lousa Da Costa, à l’Hostellerie, parc de La Chartreuse, à Dijon, dans la salle L’Escale. 14h-17h30. Fermé lundi et mardi.

Grâce à Itinéraires Singuliers, Manuel Lousa Da Costa expose ses dessins. Cet homme est atteint d’une maladie dégénératrice et son handicap est très lourd. Prisonnier dans son corps, torturé et enchaîné par la douleur.

J’aimerais bien vous faire son portrait autrement qu’à travers une maladie et vous le décrire comme un homme, tout simplement (même si je ne le connais pas). Sensible, créatif, très volontaire, avec une vie intérieure sûrement très riche… Il a décidé de ne pas se laisser dominer par sa maladie et sa souffrance. Et, entre autre, il a réalisé une série de dessins qui sont montrés à L’Escale.

une belle présentation

Une multitude de petits formats, en noir et blanc, alignés sur les murs de la salle. Le trait est à la fois sûr et nerveux. Parfois, il se rapproche de la calligraphie, mais peut aussi être une esquisse, une scène, une silhouette… Il raconte. C’est son carnet de notes, son journal intime, son autoportrait. Il y a là, sans doute, des moments de vie, des rêves, des cauchemars, des visions imaginaires ou de vraies rencontres. Il a mis au monde son univers intérieur. Pour son bien (et pour le nôtre). Il a montré. Il a partagé.

On m’a dit qu’aujourd’hui Manuel Lousa n’a plus la possibilité de dessiner ainsi…

Mais il s’est mis au numérique. Une vidéo, dans la salle, montre ses dernières créations, compositions assez géométriques et colorées, et également quelques écrits personnels (lisez aussi les feuillets au mur): son rapport à la souffrance, son combat pour conserver la maîtrise de son existence et ne pas « plier aux caprices de la douleur », son espoir grâce à l’art: « Créer, pour ne pas Errer », écrit-il.

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Joan Mitchell, Vuitton, Paris

A la Fondation Vuitton, à Paris, a eu lieu, en hiver 2023, deux expositions consacrées à l’artiste américaine (1925-1992) Joan Mitchell. L’une était une formidable rétrospective et l’autre une tentative douteuse de dialogue entre cette artiste et Claude Monet (en tout cas les dernières peintures de sa vie).

Dans un petit film présenté en fin d’exposition, je remarque que Joan Mitchell, interviewée par une journaliste, se révèle assez nerveuse. Cigarette au bout des doigts, elle ne tient pas en place, fait des gestes rapides et souvent saccadés. Elle paraît agacée. Comme si elle perdait son temps. Comme si elle souffrait de ne pas être comprise par les mots. Je me dis que les extraordinaires jaillissements colorés que je viens de voir sur ses toiles témoignent de cette urgence… Joan Mitchell est pressée de dire avec le pinceau ce qu’elle a ressenti (devant un paysage, par exemple). C’est déjà passé. C’était éphémère. Pour l’exprimer, le figer sur la toile, il n’y a qu’un petit moment précieux. Se dépêcher. Extraire ce qui est encore à l’intérieur…Vite… (mais bien!)

J’ai surtout retenu, dans la longue et passionnante chronologie de l’exposition sur Joan Mitchell, les très grands formats et triptyques (ou diptyques ou autre!…) où explosent ces multiples touches, taches, giclées, bouffées, coups de fouet, gifles, coulures… Une jungle, parfois. Ou une finale de feux d’artifice.

Et, malgré la vivacité du geste et l’accumulation de signes colorés lancés avec fougue sur la toile, la composition reste visible. Restez un moment devant tel triptyque et vous sentirez la force du motif central s’alléger, se dégonfler sur les panneaux latéraux… Ou attendez, devant tel grand format, que le fouillis apparent s’organise devant vos yeux et que les tourbillons dévoilent une profondeur à l’arrière… Ou asseyez vous devant un quadriptyque et le souffle lumineux qui part de la gauche vous ébahira par sa force.. Vous vous croirez souvent dans un champ ou dans un bois et vous aurez raison, Joan Mitchell peint, la plupart du temps, des visions de la nature. Mais elle peint ce qui est resté en elle de l’impression qu’elle a eu devant des herbes, des arbres etc. Pas ce qu’a capté son oeil. Voilà!!!! « Impressionniste »!! On arrive à Monet!

Bof! Pas convaincue quand même par le rapprochement de ces deux artistes! Je pense que J. Mitchell a une puissance d’expression bien plus importante, et une capacité à tirer de la vraie poésie de ses rencontres avec la nature.

On a quand même le plaisir d’admirer des oeuvres de Monet de fin de vie qu’on ne connaissait pas (moi en tout cas!) et certaines légèretés de traits qui font en effet penser à ceux de l’américaine!

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Norma Trimborn, son atelier des îles!

Oui, je sais, c’est un peu éloigné de la région dijonnaise! Mais à l’occasion d’un voyage à l’Ile St-Martin (Caraïbes), pour raison familiale, j’en ai profité (vous me connaissez!) pour aller rendre visite à une peintre! Bel accueil de Norma Trimborn dans son atelier et son jardin, dont je vous laisse déguster l’adresse: NocoArt, 39 Falaise des Oiseaux, Terres Basses…

Notre première balade en voiture sur l’île Saint-Martin passe par Terres Basses, à l’Ouest. Espoir déçu de voir la mer. Tout le long de la route, des murs, de hautes haies, et des portails, des portails. Fermés. Sécurisés. Aux rares carrefours, les entrées d’allées sont bouchées de barrières, assorties parfois de gardiens (il arrive qu’ils soient armés!) Bref, tout est privé! C’est d’ailleurs le mot que nous lirons le plus souvent sur cette île (et celle de St Barth, bien sûr, à une heure de bateau)! « privé », ou sa variante « private »!

Il faut montrer patte blanche! Mais nous l’avons, cette patte blanche: nous allons voir l’artiste peintre Norma Trimborn! La barrière s’ouvre donc! Et, un peu plus loin, au 39 de la rue, l’entrée est « tout open »! C’est si différent de l’ambiance générale ici! On s’engouffre sans plus d’hésitation…

L’accueil, bien sûr, va avec!

Voici Norma Trimborn, gants et outils de jardinage à la main. Mais on ne la dérange jamais! Grand sourire. Son atelier est en contres-bas du jardin, niché dans la végétation. Elle nous guide. C’est d’abord une grande salle fraîche (dehors, un petit 26°, c’est la saison froide!!) habitée de nombreuses toiles accrochées ou adossées au mur, posées, empilées sur tables. Impression soudaine d’une vie de couleurs et de mouvements. Je crois voir plusieurs fois s’enrouler et tourner des choses sur ses peintures! Des entrelacs. C’est une danse qu’elle semble aimer communiquer à son pinceau!

Le regard est vite attiré par l’espace que l’artiste s’est aménagé pour créer. Ici, à notre gauche: un chevalet avec une toile « in progress » posé sur un grand tissu-chiffon taché de peinture, des outils de peintre immobiles, des carnets et feuillets de papier muets. Quelque chose en attente. Arrêt sur image.

Et Norma Trimborn se raconte en quelques mots. Discrète. Allemande, elle partage sa vie entre Majorque et Saint-Martin, où elle s’est installée il y a 20 ans. Elle a vécu en Chine et aux États-Unis. Tout en parlant, elle passe devant une peinture, en désigne une autre, et nous donne des éclairages sur ce qui a conduit sa main d’artiste à ces moments-là. Ses émotions, ses préoccupations. Comme si elle voulait expliquer ses tableaux: le passage du cyclone Irma sur l’île en 2017, l’esclavage du téléphone portable, l’enfermement du Covid, la soif de liberté… Norma Trimborn peint actuellement de façon plutôt abstraite et j’ai presqu’envie de lui dire que ses œuvres parlent d’elles-mêmes. Que ces compositions, ces transparences, ces apparitions d’écritures, ces douces vibrations de teintes…peuvent nous toucher intimement. Sans autres raisons.

Une évidente passion pour la peinture – la matière peinture- est présente à tout moment, dans ses mots et même dans ses yeux! L’huile, nettement plus que l’acrylique! Elle nous présente même ses anciennes palettes, chargées des souvenirs de mélanges de pigments épais… Elle s’amuse à les recadrer, à en faire des petits tableaux!

Et nous voici dehors, sur la longue terrasse couverte qui entoure l’atelier. Une galerie idéale pour faire show room. Les chats s’y prélassent. La végétation sert de décor. Nous ferons ensuite un tour de jardin pour voir les sculptures que Norma Trimborn et sa famille ont collectées.

Cliquez sur les visuels pour agrandir. ( Que l’artiste veuille bien m’excuser pour l’absence de titres sous ces visuels. Je n’ai pas pris assez de notes lors de cette agréable visite!). Visitez son site :https://www.normatrimborn.com/

Ci-dessous, la version anglaise. (Merci à mon traducteur, Bastien)

NORMA TRIMBORN, son atelier des îles!

Yes, I know, it’s a bit far from Dijon ! But on the occasion of a trip to St-Martin I Island (Caribbean), for family reasons, I took the opportunity (you know me!) to visit a painter! Norma Trimborn gave me a warm welcome in her studio and garden. Enjoy even the address itself: NocoArt, 39 Falaise des Oiseaux, Terres Basses… ( literally Birds’ Cliff, low earth)

Our first drive across the island of Saint-Martin takes us through Terres Basses, to the west. Disappointed hopes of seeing the sea… All along the road, walls, high hedges, and gates, gates. Closed. Secured. At the rare crossroads, the entrances to the lanes are blocked with barriers, sometimes with guards (they were even armed sometimes !) In short, everything is private! This is the word we will read most often on this island (and St Barth’s, of course, an hour away by boat)! , “private”. 

You have to show your credentials! Which we did, we are going to see the painter Norma Trimborn! So the gate opens! And, a little further on, at the 39, the entrance is “all open »! It’s so different from the general atmosphere here! We go in without any hesitation…

The welcome, of course, goes with it! 

Here is Norma Trimborn, gloves and gardening tools in hand. But she’s never bothered of being distributed ! Big smile. Her workshop is at the back of the garden, nestled in the vegetation. She guides us. First of all, it’s a large, cool room (outside, it’s only 26°, it’s the cold season!!) inhabited by numerous canvases hung or leaning against the wall, placed, piled up on tables. A sudden impression of life of colours and movements. I think I see things winding and turning on her paintings! Intertwining. It is a dance that she seems to like to communicate to her brush!

The eye is quickly drawn to the space that the artist has created for herself. Here, on our left: an easel with a « in progress » canvas placed on a large cloth-sheet stained with paint, immobile painting tools, notebooks and sheets of paper. Something waiting to happen. A freeze frame. 

And Norma Trimborn tells her story in a few words. Discreet. German, she divides her life between Mallorca and Saint-Martin, where she settled 20 years ago. She has lived in China and the United States. As she talks, she passes a painting, points to another, and gives us insights into what led her artist’s hand to those moments. Her emotions, her concerns. As if she wanted to explain her paintings: the passage of hurricane Irma over the island in 2017, the slavery of the mobile phone, the Covid lockdown, the thirst for freedom… Norma Trimborn currently paints in a rather abstract way and I would almost tell her that her paintings speak for themselves. That these compositions, these transparencies, these appearances of writing, these soft vibrations of colours… can touch us intimately. For no other reason. 

An obvious passion for painting – the material – is present at all times, in her words and even in her eyes! Oil much more than acrylic! She even shows us her old palettes, loaded with memories of mixing thick pigments… She has fun reframing them, making little paintings out of them! 

And here we are, outside, on the long covered terrace that surrounds the studio. An ideal gallery for a show room. The cats are lounging around. The vegetation as a backdrop. Later, we take a walk around the garden to see the sculptures that Norma Trimborn and her family have collected.

Click on the pictures to enlarge (I apologise for the lack of titles underneath the pictures. I didn’t take enough notes during this pleasant visit!). Visit her website:https://www.normatrimborn.com/