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Germaine Richier, Paris

Au Centre Pompidou, Paris, l’exposition de Germaine Richier (1902-1959), c’était au printemps 2023

Je crois que Germaine Richier tente de saisir l’humain à vif. L’humain dans la totalité de ses contradictions: extérieur et intérieur, visible et invisible, fort et fragile, violent et attendrissant. Et l’humain en perpétuelles métamorphoses, dans ses « passages » constants, physiques et mentaux. Et encore…l’humain comme faisant partie de la vie universelle.

Ses premières sculptures sont si sages! Oeuvres classiques, figuratives. Oeuvres d’atelier, avec les techniques de mesure au compas et au fil à plomb.

Mais, assez vite, Germaine Richier s’échappera de ces règles de base, sachant les utiliser, bien sûr, mais sachant aussi créer à sa façon. Et de quelle façon! On sent sa fougue passionnée à malaxer et triturer la matière. Elle utilise même des outils qu’elle appelle ses « épées » pour mieux creuser et déchirer son matériau, la terre. Il semble qu’elle s’acharne sur le corps « plein » (c’est son terme) pour chercher plus loin, sous la peau, sous la chair … Troublant!

Germaine Richier est fascinante dans sa façon de partir du « vrai » (ça aussi c’est son terme) et de déformer, transformer, recréer. Son oeuvre est faite de monstres, d’êtres hybrides, d’aliens, de créatures inquiétantes … Elle intègre hardiment le végétal et l’animal à l’humain. Comme si elle prédisait un monde en mutation. Ou comme si elle avait compris que l’univers est un tout, que c’est la vie, tout simplement. Le vivant.

Les personnages de Germaine Richier incarnent le Vivant. Parfois, d’ailleurs, on oublie le côté métallique, rigide et froid du bronze de ces sculptures tant l’aspect paraît souple, malléable et bougeant.

Bien sûr, au premier regard, on voit plutôt des êtres défigurés, torturés… Des gueules cassées, des grands brûlés, des vieillards en souffrance…Et même de grands volumes à la limite de l’abstraction (« la Montagne » par exemple) toujours avec cette expression de déformation dans la douleur.

Mais je ne suis pas sûre que ce soit l’essentiel à retenir de l’oeuvre de cette artiste. Son puissant travail de sculptrice, de créatrice va sans doute au-delà de cette idée de malheur. En fait, elle joue les démiurges, et se fabrique un nouveau monde étrange, différent. C’est une artiste, bref.

Parlons de son fameux Christ! Il a été retiré de l’église d’Assy (Haute Savoie) sous l’impulsion de quelques traditionalistes, mais replacé près de 20 ans plus tard. Cet humble Christ est sur la croix, mais lui-même semble être devenu une simple planche de bois légèrement incurvée. Son corps est exprimé, et non réalisé. On peut y voir l’incarnation de la souffrance physique. Ce serait l’expression d’un corps torturé, presque écorché vif. Mais on peut y voir aussi un supplicié qui a perdu toute figure humaine, désincarné, déjà vivant dans un ailleurs surnaturel… En tout cas, il est beau.

Cliquez sur les visuels pour agrandir

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