Hiver 2016, Le Consortium, 37 rue de Longvic, Dijon, a proposé 6 artistes. Comme d’habitude, pour ce centre d’art, je ne parle que de ce qui m’a touchée ou intéressée. Pas tout.
Edith Dekyndt, « Théorème des foudres ».
Cette artiste semble travailler comme un savant, un chercheur. L’art permettrait la connaissance autant (ou mieux?) que la science. Elle expérimente. L’important, ce sont les éléments, les matières, les phénomènes, les processus, les réactions physiques, les métamorphoses… Sa série de toiles est, par exemple, un travail passionnant. Elle les a recouvertes de sang, de vin, de terre, de caséine etc. Et on observe. Comme elle. Résultats: un dessèchement, des craquelures, des moisissures… Elle enterre certaines de ces toiles ou les expose aux intempéries dehors pendant des mois. Comme si elle les mettait à l’épreuve. Les choses obtenues, à la suite de ces tortures, sont souvent très belles (mais a-t-on maintenant le droit de parler d’esthétique et d’émotion du beau?) . Croûtées, rouillées, délitées, moussues, gonflées…
Autre aspect de caractère scientifique dans cette oeuvre exposée: les cristallisations. Là encore, une réflexion sur la transformation. Un liquide qui passe au solide. Grossis et rétro-projetés, ces cristaux de vin ou de sang offrent de superbes dessins à admirer sur le mur.
Les couvertures imbibées de peinture sont une constante dans le travail d’Edith Skyndt. Ici, l’une d’elle est peinte en rouge et or et suspendue à un de ses angles, lui communiquant une forme de cône. L’artiste s’intéresse au rapport du domestique (couverture banale et vulgaire) et du précieux ou sacré. Ce textile tout ce qu’il y a de plus prosaïque prend des allures de chasuble religieuse ou de tapis oriental.
Je constate que l’artiste, tout en suivant cette voie du contemporain qui, décidément, aime explorer du côté du scientifique, utilise malgré tout les outils de l’art classique et éternel: la toile et la peinture… Mais en leur donnant un autre rôle, en les envisageant davantage comme des entités en elles-mêmes.
Le Consortium expose aussi deux artistes coréens (mais exilés à Paris une grande partie de leur vie). Nés en 1904, pour Lee Ungno, et en 1914 pour Han Mook, ces peintres feraient partie des premiers modernistes. Ils conservent leurs traditions asiatiques mais se laissent fortement influencer par l’art d’Occident.
Han Mook (toujours vivant à 102 ans), peint de couleurs vives des toiles où le cosmos tourbillonne, où les lignes vibrent comme de la musique, où les déformations de formes géométriques créent des illusions d’optique. Un mur est couvert de ses démarches et de ses recherches de peintre en petits formats. Rien de transcendant pour moi.
Lee Ungno m’a davantage touchée.cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Le centre hospitalier La Chartreuse, à Dijon, ouvre un nouvel espace d’exposition. Un beau lieu situé dans un pavillon ancien au coeur du parc. Pour cette occasion, elle a offert carte blanche à l’association Itinéraires Singuliers. Donc… Une superbe expo était à voir en janvier-février 2016. Deux artistes étaient accueillis: Leonard Lamb et Alexandre Bakker.
L’univers de Leonard Lamb est insondable! C’est un travail de miniaturiste sur grands formats. A l’encre, à l’aquarelle ou à l’huile, le pinceau fouille, détaille, couvre, répète, ramifie, remplit, accumule, rabâche, multiplie. Se mettent alors à fourmiller des centaines de personnages, de végétaux, d’animaux, d’objets… Notre oeil scrute des petites scènes. Notre oeil voit s’animer des histoires, des légendes, des récits… On comprend que Leonard Lamb soit devenu metteur en scène à partir de ses peintures! (Théâtre Ispoug) Il y avait de quoi communiquer une vie théâtrale à tous ses mondes fabuleux!
extrait du Songe du Roi
Et toute cette « broderie » minutieuse et colorée est organisée dans le tableau de telle sorte que l’ensemble, même loin des détails, est harmonieux, construit et d’une esthétique parfaite.
Il paraît que Leonard Lamb fait de multiples références: cinéma, littérature, religions… Je ne suis pas assez cultivée pour les repérer. Je vois bien quelques épisodes de la Bible, quelques allusions à la tradition hébraïque, quelques influences médiévales, mais c’est tout. Pas grave. En tout cas, je sens rôder la mort. Je perçois des rêves obsessionnels. Je devine aussi de l’humour.
D’autres oeuvres de Leonard Lamb sont ici accrochées, des encres. Entrelacs et circonvolutions tout en douceur, en noir et blanc, qui éclaboussent le papier et font penser à des dentelles anciennes (ou de petits organismes primitifs qui flottent dans leur liquide amniotique!)
Alexandre Bakker, lui, donne à voir des encres où tout se superpose, se mêle, s’entrechoque… On est dans la bizarrerie du cerveau où les images circulent sans apparente logique et s’enchaînent aléatoirement. Parfois des croquis enfantins, parfois des petites scènes bien décrites, parfois des visages qui se brouillent, parfois de vrais portraits, parfois des comics ou des playmobiles, parfois des éléments de corps ou d’architecture… Univers magique. Monde fantastique. On pense à certaines gravures romantiques. Ce dessinateur fait aussi partie de la compagnie Théâtre Ispoug.
Pour vous rendre dans ce nouvel espace d’expo, suivez « Puits de Moïse », même quand vous êtes à l’intérieur du parc de la Chartreuse. Et quand vous voyez ce bâtiment (photo ci-dessous)…c’est là!cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
En décembre, la Galerie La Source de Fontaine-lès-Dijon accueillait l’artiste peintre et sculpteur Dimitri Koulaguine.
La salle du rez-de-chaussée fait un bel effet, pas de doute.
On se laisse prendre par ces grandes toiles aux allures de bas-reliefs ou de fresques. On est séduits par le mariage sculptures-peintures qui traitent des mêmes sujets et qui montrent une même « carrure ». On plonge volontiers dans cette mystérieuse mythologie avec laquelle joue l’artiste: le python, serpent monstrueux, fertile ou démoniaque, le centaure, la femme oiseau, la femme caméléon, Orthos, le chien à deux têtes (frère de Cerbère), la Tour de Babel, le singe (astrologie chinoise? mythologie égyptienne ou indienne?), la Gorgone qui est ici LE Gorgone!
Et surtout, on admire la technique picturale de Koulaguine, celle qu’il a apprise en Russie, son pays de naissance et dont il garde le secret (mais? il enseigne la peinture acrylique, non? il ne dévoile vraiment jamais rien de sa manière?). Une impression de relief, de pierre, de terre, d’ivoire etc. Envie d’y mettre le doigt! Non, la toile est juste peinte, avec peu de matière, contrairement aux apparences. Étonnant.
Au premier étage, la salle de gauche présente des animaux peints de la même manière: le poisson St-Pierre, les rhinocéros, les éléphants… Sculptures en rapport, également . Impressionnant.
Ne vous aventurez pas dans les autres salles. Je n’y ai trouvé que peu d’intérêt: la façon soviétique de ses racines etc… Et quelques petits dessins, estampes, peintures…
Mais revenons aux deux salles essentielles. De la belle ouvrage. « Une oeuvre savante », dit Claude Martel. Savante par la technique et par les sujets. Cependant, il faut avouer que tout cela est raide, rude, froid, costaud, sans émotion, sans délicatesse… Je dirais bien que tout cela reste dans l’esprit de l’art de l’époque soviétique On est dans le domaine de la belle décoration. Voilà. Mais, après tout, c’est déjà pas mal!
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Novembre 2015 a été marqué, pour moi, par les expositions à Dijon de la plasticienne Christine Delbecq (et de ses ateliers). « La Chambre d’échos », entre autre. J’en ai déjà parlé. Mais je vais essayer d’écrire aujourd’hui sur ses « Petits Rouges », tableautins (une quarantaine je crois) qu’elle a finalement retirés de son exposition.
Les Petits Rouges. Ils sont entre chorégraphie et calligraphie. Et, surtout, ils sont un condensé du travail que poursuit Christine Delbecq depuis des années.
D’abord le rouge (papier marouflé sur bois). Couleur rare chez elle. Mais déjà utilisée pour ses « Groendland ». Puis, la boîte. Chaque petit rectangle (18X25) en comporte les arrêtes, les bords, à peine devinés. La boîte, le cube, que l’on retrouve à tout moment dans son travail. J’ai pensé aussi aux grandes boîtes réalisées avec les enfants indiens pendant l’opération Mumbai Experience. Ensuite, comme prisonnières de ces boîtes, des lanières dansent, se désarticulent, sautillent, s’emmêlent… Mouvements au ralenti qu’on pourrait imaginer dans l’eau. Ces lanières, on les connaît depuis longtemps chez Christine Delbecq. Ces rubans qui cherchent à écrire quelque chose, ou qui tentent de s’échapper en se contorsionnant (c’est qu’ils semblent bel et bien fixés aux parois ou aux angles), qui ressemblent eux-mêmes à des cubes vides démantibulés, écroulés. Ce long fil continu, parfois rompu. Et qui, ici, par moments, s’assouplit, s’arrondit, s’enroule, se noue.
Certains de ces Petits Rouges, présentés normalement dans La Chambre d’échos, portent des collages, petits papiers blancs qui évoquent la grande vague suspendue au centre de cette exposition. En fait, l’artiste dit elle-même que chacun de ses Petits Rouges est « le croquis d’une installation possible ». Là encore, ce n’est pas la première fois, avec Christine Delbecq, que la recherche et le travail se retrouvent promus au rang d’œuvre à montrer. La plasticienne efface les frontières entre ce qui est en gestation et ce qui est « fini » . Tout cela forme un tout. L’étude, la réflexion, le tâtonnement, les essais, les retours, l’aboutissement, la sortie de l’atelier…Tout cela fait œuvre.
Indispensable de cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Christine Delbecq ouvre les portes de son atelier les 11-12-13 et les 18-19-20 décembre, 14-20h, exposition-vente (œuvres petit format!)
Lire aussi le commentaire de Christine Delbecq sur ce blog, à propos des Petits Rouges (« Christine Delbecq au Campus », 7 novembre, Archives du blog)
Yan Pei-Ming a offert une de ses peintures , « Le Rêve », au musée des Beaux Arts de Dijon. Elle rejoindra la partie du musée actuellement en travaux. J’ai assisté à un commentaire, dans le cadre de « l’oeuvre du mois ».
Jamais je n’étais restée aussi longtemps devant une oeuvre ! Une heure et demie! Assise sur mon tabouret de toile, j’écoutais l’aimable jeune femme qui faisait sa conférence sur Ming, et sur cette toile en particulier. Mais je ne quittais pas des yeux la peinture du « Rêve ».
Je suis entrée sans problème dans cette sorte de sous-bois sombre. J’ai marché sur le sol terreux ou pierreux et sur les feuilles mortes. J’ai longé les gros troncs d’arbres. Et j’ai atteint cette lueur, au fond, là-bas, qui m’attirait depuis le début. Une respiration claire, au centre du tableau, qui contraste avec l’atmosphère noire et angoissante du restant. J’ai écarté les masses puissantes et épaisses, résistantes et hostiles, pour me glisser tant bien que mal dans cette ouverture souriante, bleutée, fraîche et accueillante.
Pas de vraie figuration de forêt ni de frondaison, pourtant. Juste l’évidence d’un paysage. Quelque chose d’abstrait, mais qui évoque inévitablement une image de voûte végétale ou, peut-être de roches volcaniques, ou encore de caverne… On pense à un paysage bien romantique du XIXème siècle…Avec un beau clair-obscur!
Contrairement aux toiles que je connaissais de Ming, celle-ci n’est pas le résultat, apparemment, des larges gestes de peinture brossée. Elle est surtout faite de giclures, d’éclaboussures, et de matière. Et elle comprend un peu de couleur autre que le gris, le blanc et le noir. Pas le rouge de certains de ses portraits, ses « fausses propagandes chinoises »! Mais un superbe bleu!
extrait du « Rêve » de Ming
En tout cas, j’ai retrouvé la force de l’artiste et son énergie. Et j’ai vu à nouveau sa maîtrise de la construction.
Le paysage que j’avais devant moi était évidemment un monde intérieur. Celui du peintre ou celui de qui vous voulez. Le mien, pourquoi pas! Le vôtre?
Cliquez sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Cécile Bart était à Interface, à Dijon, (12 rue chancelier de l’hospital) cet hiver 2015-16. Cet appartement/galerie était fier d’accueillir la plasticienne bourguignonne de renom, à juste titre. (du mercredi au samedi, 14-19h)
extrait de l’oeuvre de Cécile Bart
Cécile Bart s’est pliée, comme tous les artistes qui interviennent à Interface, à l’adaptation aux lieux. C’est d’ailleurs son habitude. Elle a donc choisi d’ habiter non pas l’espace et le volume des pièces mais les murs. C’est à dire des surfaces. Et les surfaces, c’est quelque chose d’important dans le travail qu’elle mène depuis des années.
On retrouve donc ici ses aplats de couleur, en formes géométriques: de grands carrés ou rectangles. Soit directement peints sur le mur blanc, soit peints sur du voilage Tergal (un matériau qu’elle utilise souvent, depuis longtemps). A remarquer que les boiseries des salles portent également ces formes carrées ou rectangulaires et que tout cela offre une harmonie de lignes intéressante.
Et voici donc une agréable impression de glissement pour le visiteur… (Car, les voilages sont tendus devant les murs, à plus ou moins grande distance de ceux-ci.). Sensations de décalage des plans, double vue, perturbation du regard, translucidité, modifications des lumières et des couleurs suivant le déplacement du visiteur dans la pièce.
L’artiste a voulu que l’un des murs de l’appartement ait un espace suffisamment large entre lui et la tenture en Tergal pour que le visiteur puisse s’enfiler dans ce couloir. Il pénètre ainsi au cœur de l’œuvre et porte un regard différent. Les teintes sont soudain plus opaques, le jeu des superpositions n’existe plus… Mais il voit de l’autre côté…Une expérience!
Les distances, les profondeurs, les transparences, les additions, les modulations… Tout ce jeu subtil est à Interface. Une histoire de peinture et de regard…
Cliquer sur le visuel pour agrandir, en deux fois
J’avais tout de même préféré l’exposition de Cécile Bart en 2009 au FRAC de Dijon. Je vous mets le lien de la page « archives du blog » qui contient mon papier à ce propos : https://www.doudonleblog.fr/category/archivblog/page/15/
C’était à voir en novembre 2015, la plasticienne Christine Delbecq proposait « Chambre d’échos » à la Maison des Sciences de l’Homme, sur la campus dijonnais (esplanade Erasme, 8h30-18h30). L’artiste avait travaillé là en résonance avec le recueil de poésie de Myriam Eck « Mains suivi de Sonder le vide ».
Entrons….
Sensation de souffle imperceptible. Flotter. Porté. Douceur crémeuse. Caresse nuageuse.
Au centre, une bâche plastique géante est suspendue d’un bout à l’autre de la pièce, comme un immense hamac, presque jusqu’au sol. Blanche, translucide. Grande voile où sont juste posés là, à portée de nos mains, deux petits cartons blancs, découpés, évidés, bousculés.
Sur les murs, deux très grands panneaux couverts de centaines de petites photos. Christine Delbecq a photographié sa propre installation, en détails très rapprochés, en allant au coeur même de l’oeuvre. Collés, regroupées, serrés, de divers formats. Voilà donc ce « grand blanc de l’attente » (comme le nomme Christine Delbecq) éparpillé, dispersé en fragments, mais… reconstitué. En une autre forme. Ressuscité. C’est le même « grand blanc », et pourtant différent. A la fois multiplié et intensifié. Rapproché et éloigné.
Impression de voir le mur respirer. Gonfler et maigrir. Bomber et reculer. Avancer. Navigation à la voile. Orgasme.
A l’autre extrémité de la pièce (de la chambre) sont suspendues des surfaces blanches verticales, où s’alignent les « Petits Rouges ». Série de tableautins (18/25 cm) où s’enchaînent des signes, des graphismes, des collages etc, sur papier rouge marouflé sur bois. C’est une rupture, semble-t-il, dans la « chambre », de couleur, de matière, de lignes…Mais, à bien regarder, tout est là encore. Les Petits Rouges, eux, peut-être, « disent » ce qu’on vient de ressentir. Ils pourraient être une variation du Grand Blanc. En tout cas une mise en « écriture »de ce qu’il se passe dans cette chambre d’échos.
L’écriture de la respiration. Les pleins et les déliés de la vie. Les textes du non-dit.
Bon! Dernière nouvelle! Les Petits Rouges ont disparu! L’artiste a préféré les supprimer…Faut suivre, hein? J’attends une explication!
je referai des photos …A suivre!
Voilà! En dehors du vernissage, sans foule et sans éclairage nocturne, je suis retournée dans la « Chambre » . Belles lumières d’après-midi, et à nouveau impression de plis de lit, de sensualité, de caresses… Le grand plastique blanc au centre de la pièce jouait de sa nonchalance et de son immobilité prometteuse. Et, sur les murs de photos, le même plastique, avec ses petits cubes, s’imposait plus que jamais, mais…éclaté, explosé. Reproduit mais…démultiplié (au sens de « augmenter la force »).
extrait de l’un des murs photographiques
Et décidément la Ligne Rouge me manque! J’ai de la peine à comprendre sa disparition dans cette expo. (cf plus haut ce que j’en pense).
Les élèves ados et adultes des ateliers d’art plastique de Christine Delbecq exposent également, après avoir travaillé toute une année sur le recueil de Myriam Eck. C’est à l’Athénéum, sur le Campus. Excellent travail. A voir aussi.
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Jusqu’à dimanche soir 8 novembre, à l’hôtel de Voguë, Dijon, « Les Amis de la Peinture Bourguignonne au vingtième siècle » proposent une exposition (comme tous les deux ans) intitulée « Confrontation ». Toutes les oeuvres accrochées là appartiennent à un seul collectionneur. (10h30-18h)
Peintures plutôt « classiques » …
Mais certaines toiles de Georges Laporte, par exemple, ou ces aquarelles inattendues de André Claudot faites lors d’un voyage en Chine sont très intéressantes. Petit coup de coeur pour une toile de Pierre Klemcynski! (photo ci-dessous). J’aime l’ambiance créée ici! Peintre bourguignon lui aussi, Raymond Rochette (1906-1993) a son exposition à la Galerie Notre Dame, 3 rue Musette, à Dijon, jusqu’au 15 nov. Fameux pour ses peintures de la métallurgie lourde du Creusot dès 1949. Etonnant.
« L’Alchimie du livre », de Anselm Kiefer, à la Bibliothèque nationale de France, François Mitterrand, à Paris, était à voir (oh oui!) jusqu’au début février 2016.
Quand je pénètre dans l’immense salle d’exposition de la Bibliothèque F. Mitterrand, je crois être passée de l’autre côté du miroir. Comme Alice au Pays des Merveilles.
Je suis dans une bibliothèque de géant: très hauts rayonnages, très grands livres étranges, ouverts, fermés, rangés, empilés, debout, couchés, vieux, endommagés… Des vitrines, aussi, et de rustiques coffres métalliques dont le contenu est écrit à l’encre. (En fait, tout cela est une reconstitution de la réserve de l’artiste Anselm Kiefer, en région parisienne, qui contient un bon millier de ses livres d’artistes créés depuis plus de quarante ans.)
La tête me tourne. Le caractère sacré du lieu me saute aux yeux. Je savais le livre magique, mais à ce point! Kiefer le hausse jusque dans des sphères élevées. Le livre porte en lui la vie, le monde, l’Histoire, les Hommes, la Terre… Euh! Tout, quoi! Le livre est porteur. Le livre est sorcier, aussi, sans doute. Il a des pouvoirs.
Et, surtout, c’est le comble…le livre, ici, n’est pas vraiment livre. Trop gros (certains sont plus grands que moi), trop lourd (certains sont en feuilles de plomb), trop épais (certains sont en terre), trop fragile (certains sont en débris de verre)… On ne l’ouvre pas. On ne le feuillète pas.
Et pourtant…L’idée (l’idéal) du livre est bien là.
Mais c’est l’oeuvre d’un plasticien, ne l’oublions pas! Pas d’un écrivain. « L’Alchimie du livre » parle de la guerre, de Hitler, de Genet, de la Kabale, de cosmogonies, de femmes au destin tragique etc. La matière est riche. Le matériau également, d’une variété incroyable: photos, sable, métal, peinture, aquarelle, branches, cheveux, cendre, fleurs etc.
La scénographie est puissante, autant que chacun de ces drôles de livres. L’exposition est construite comme une bibliothèque, certes, mais aussi comme un temple (ou une église ou une synagogue ou une mosquée!) Deux grandes peintures occupent les murs. Un océan et une forêt au milieu desquels règne un …livre.
Bref, l’ensemble est très fort. Éléments et Tout…
cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
A l’Entrepôt 9, à Quétigny (galerie Barnoud),il y a eu l’exposition d’Isabelle Lévénez , « IL voyage autour de mon crâne »
Savoir déjà que le IL du titre de l’expo passe par une ambiguïté entre les initiales de l’artiste, le masculin, le féminin, l’autre, le moi etc… Nous sommes conviés à un voyage à l’intérieur d’un paysage mental. Celui d’Isabelle Lévénez, mais sans doute aussi celui d’autres personnes (ses élèves? Puisqu’elle est aussi art-thérapeute…Ou le nôtre?)
Tout tourne autour du cerveau, donc (car, le crâne est son écrin)
Des dessins délicats qui disent le mystère de cet organe caché et essentiel, sa beauté plastique. Doucement, se mêlent des impressions, toutes en lien les unes avec les autres. C’est ce que j’apprécie. Même si le passage de l’une à l’autre est imperceptible: on pense, par exemple, teste de Rorschach, images de scanner, empreintes d’un cerveau. Mais aussi sensations internes, émotions, pensées…etc.
De la pointe de son crayon subtil, l’artiste suggère à la fois une vérité médicale et un imaginaire tout puissant (né du cerveau). Un peu de préciosité ne gâche rien: feuilles d’or ou de cuivre viennent agrémenter parfois ces petits dessins tout en finesse. La matière et le matériau ont leur rôle aussi: brou de noix ou papier abrasif, par exemple. Ou encore linogravures. D’autres oeuvres sont des photos retravaillées au crayon, le crâne est suggéré comme un être organique ou végétal. Assez beau!
Directement dessinée sur le mur, au fusain, voici aussi une grande vague troublante. Une obsession de traits (cf photo ci-dessous) Ce que dicte parfois le cerveau? Les confusions et les entrelacs de notre paysage mental?
Les mots et l’écriture ont également leur place dans cet univers d’artiste. Des phrases sont projetées sur les murs. Elles ont toutes comme sujet grammatical le fameux « IL »: « IL écoute le silence de l’image », « IL trouve l’opacité blanche » …
La vidéo « Temps suspendu » est intéressante (et pourtant, j’ai tendance à m’ennuyer sévère devant les vidéos contemporaines!): une pile de feuilles de papier filmées en train de s’envoler une à une…mais film passé à l’envers. Chorégraphie fascinante dans un environnement vide et anonyme, plutôt pesant. Forte impression du temps qui défile.
Le reste de l’exposition n’est pour moi que du « remplissage ». Un tas de confettis, une éponge siliceuse sur un bout de bois, une chaise de bois décorée à la craie … Désolée.
Pour agrandir le visuel, cliquez dessus, en deux fois
Commentaires récents