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Hartung, Musée d’art moderne, Paris

C’était une belle et grande exposition au Musée d’Art Moderne de Paris (refait à neuf), celle de Hans Hartung, l’hiver 2020. « La fabrique du geste » . Vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus.

On débute avec Hans Hartung en 1920! Il a 16 ans, et déjà il « expérimente » en peinture! Ce qu’il fera toute sa vie! Les supports, les outils, les matières, les techniques, les mariages de couleurs…

Première belle vision, donc, en entrant dans cette expo du MAM: 24 petites aquarelles abstraites qui dansent avec les couleurs et qui portent des titres qui me ravissent: « violet incurvé », « bleu au centre », « couleurs affaiblies », « aquarelle barrée »… Mais, quand on apprend à connaître Hartung, on comprend vite que la poésie n’est pas de mise dans ces jolis titres! Le peintre est organisé, précis, ordonné, technique. (Dès son jeune âge, apparemment). On le verra plus loin dans l’expo, quand il entreprend le catalogue complet de sa production, avec des descriptifs pour chaque oeuvre!

Ce caractère méthodique et presque arithmétique (un peu méchamment, je dirais « allemand »!), on le retrouve dans ses grilles qui lui servent au report de ses petits dessins pour aboutir à ses grandes peintures: c’est du calculé! On le devine aussi dans la composition de ses peintures. La rigueur est toujours présente. « Il faut que tout soit juste, les lignes, les courbes, les formes, les angles, les couleurs … » dit-il.

(Je ne sais pas où se situe, chez Hartung, la frontière entre l’art totalement maîtrisé et la spontanéité d’un geste libéré. Cela me gêne un peu. Quand je me sens attirée irrésistiblement par ses admirables petits dessins sur papier ou par ses grandes toiles acryliques (dont certains coups de gros pinceaux m’ont rappelé Fabienne Verdier), je sens également une réticence en moi devant un travail de recherche trop systématique…De laboratoire!!)

Cette parenthèse fermée, je veux dire que l’on prend grand plaisir à suivre le cheminement de cet artiste. Ses expérimentations variées (la photo, la peinture avec branches de genêt ou aérosol… jusqu’à la tyrolienne, la lacération, le grattage etc) sont captivantes. Hartung vit la peinture intensément, passionnément. Jusque dans l’handicape (invalide de guerre, en fauteuil roulant) et jusqu’à la faiblesse de fin de vie, il ne lâche jamais cette fureur de peindre. C’est respectable et ça me touche.

Le trait qui part en secousses, en faisceaux, en pelotes… La ligne qui se fait écriture ou musique, qui se fait fourrure, sillons, rameaux… Les méandres, les balayages, les engrenages…Les élans, les envolées, les nuées… On aime cette peinture physique et inventive.

Fatimane, la Coupole

Fatimane a exposé « de guerre lasse » salle de la Coupole, rue ste Anne, à Dijon en novembre-décembre 2019 (dans le cadre du festival Les Nuits d’Orient)

Je ne sais pas si j’ai vu la version définitive de l’exposition. C’était normalement commencé quand j’y suis allée, la date était bonne, mais… personne pour accueillir le visiteur, et une dizaine de grandes toiles aux murs, rien d’autre. Un vide peut-être voulu. Cette salle demande en général à être occupée dans son extrême volume. Pas aisé. Et là, l’espace central était laissé à lui même. Impressionnant de solitude!

Impressionnants aussi les visages peints par Fatimane. Le grand format y est pour quelque chose. Mais également la force des regards. Fatimane est un bon peintre. Le geste fort. La palette souvent en camaïeux de noirs ou de rouges.

Les peintures sont visiblement faites à partir de photos. On y retrouve le célèbre petit garçon, migrant mort sur la plage. Le sujet, c’est la guerre. La guerre est toujours quelque part dans le monde. Les civiles, les familles en sont les victimes. Et Fatimane veut nous toucher… Il le fait de façon réaliste, peu originale, mais efficace: visages d’enfants en larmes, de femmes qui crient, un père tenant sa fille morte dans ses bras. La guerre n’est présente que par cette souffrance… Et ça suffit. L’émotion de l’insupportable est là.

13 en voûte, cellier de Clairvaux

Les artistes de 13+ étaient au Cellier de Clairvaux en novembre 2019, bd de la Trémouille à Dijon. Le titre : »13 en voûte » pour cette nouvelle exposition. L’objet commun, vous l’aurez deviné, était donc « la voûte ». Vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus

Comme d’habitude, cet objet commun donne le ciment à l’expo collective et efface un peu le côté aléatoire du voisinage d’artistes différents les uns des autres. On sent parfois (dommage) que certains ont fouillé dans leurs archives pour donner une œuvre qui collerait avec le sujet! Et, du coup, on apprécie d’autant plus ceux qui on travaillé spécialement pour l’occasion!

Céleste, architecturale, corporelle, symbolique, spirituelle, la voûte est conjuguée à tous les temps. Corps féminin, arbre, ogive de pierre, ciel, eau. Tout est exploité, pour évoquer la courbe, l’arche, le berceau et, surtout, la perfection et la pureté de cette forme idéale. La voûte est là-haut, au-dessus de nous, dans la cathédrale ou dans le ciel étoilé, mais aussi en-bas, dans les mystérieux souterrains urbains.

Qu’ai-je retenu? Tiens, comme ça sans trop réfléchir: –Odile Massart et sa « Cène », table avec le pain et le vin et des gravures (une par apôtre) qui réunit en un ovale mystique les 12 disciples autour du maître

Jean-Philippe Jarlaud et sa création multimédia (vidéo), récit d’une sombre déambulation-initiation dans les égouts (ou simple rivière souterraine?) . –Pascale Serre et son arbre céleste, mariés aux nuages de papier plissé d’Edith NicotLaure Escudier et ses entrelacs à l’encre sur papier.

CKL Marchal et ses corps dansants ainsi que son inquiétante petite sculpture

Francis Orzel et ses arches à la Magritte.

Jean Thirion et son humour en chapiteaux

  • Fabienne Adenis et son berceau des âges et générations
  • Bruno Chevreau et ses hêtres … – Jean Gauthier et sa petite clé de voûte doublée de son ombre. Etc etc.

Bacon en toutes lettres, Centre Pompidou

L’hiver 2019-20, Beaubourg, à Paris proposa une exposition de Francis Bacon intitulée « Bacon en toutes lettres ». 11-21h. fermé mardi. vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus

J’avoue avoir refusé, pour ma visite, de me mettre dans les oreilles la lecture des textes choisis en lien avec les oeuvres. Ce sont des extraits de livres aimés de Bacon, tirés de sa propre bibliothèque. Eschyle, Nietzsche, Bataille, Leiris etc. D’où le titre de l’expo  » Bacon en toutes lettres ». L’entreprise est louable. Le rapport entre écriture et art plastique est rarement évoqué. Et pourtant évident. Donc, bravo pour cette initiative. Mais je suis incapable de lire une peinture si, en plus, je dois, en même temps, assimiler un texte (d’autant que, ici, ils ne sont pas faciles, faciles!). Je me suis contentée de lire les textes APRES la visite!!

Venons-en au peintre. Bacon est fascinant. Son oeuvre est terrifiante. J’aime la formule de Philippe Dagen (Le Monde), « on ressort de cette expo hébétés devant des oeuvres impitoyables », écrit-il.

Et pourtant, je me surprends à rester devant ses toiles, à examiner les détails les plus effrayants, à me laisser éreinter par les dissonances de couleurs vives, à prendre du recul pour apprécier l’ensemble des triptyques. De toute évidence, j’aime ce peintre. Attirée par l’horreur? Voyeurisme? Y retrouverais-je mes propres angoisses ou fantasmes, insoupçonnés et enfin mis à jour par quelqu’un d’autre. Par lui, Francis Bacon? Allez savoir!

extrait

Je crois que ce ne sont évidemment pas les images elles-mêmes que j’aime, hommes torturés, portraits violentés et fracassés, monstres hurlants ou êtres zoomorphes, personnages contorsionnés, difformes, écorchés… C’est la géniale façon dont elles sont traitées. C’est la représentation parfaite, froide, épurée et maîtrisée de tous ces drames qui, en fait, ne sont que des suggestions. Images questionnées, supposées, douteuses, difficilement descriptibles. Images d’un grand réalisme, mais qui ne sont que des façons d’exprimer les souffrances, la violence innée et les tourments de l’homme. (J’oublie volontairement les sujets, ou du moins ce qui a inspiré directement la plupart de ces peintures, relations sexuelles, tragédie du suicide de l’amant de Bacon etc. )

La condition humaine, ce serait donc… tous ces personnages prisonniers de cages de verre, recroquevillés devant un miroir ou posés sur des petites plateformes en équilibre instable, écartelés, découpés en morceaux, dévorés par des animaux ou en train de fondre et de se diluer…Lucidité de l’artiste?

Et malgré tout, la beauté est là, chez Bacon. Par exemple, ces silhouettes d’un blanc bleuté et rosé, d’une transparence spectrale, qui semblent tourbillonner sur elles-mêmes avant de se désagréger définitivement… J’aime. Ce triptyque d’un magnifique rouge profond enfumé de noir par endroits, « Les Erinyes », est superbe…Et pourtant abjecte : des morceaux de chair perchés sur des tabourets qui n’incarnent que cris et douleur. Le moins déchirant, et le plus beau est le volet de gauche (visuel ci-dessous).

Difficilement explicable… Tout ça. Bref, Bacon est un grand peintre. Et on croit toujours le connaître! Pas vrai! Allez le voir au centre Pompidou!

Simon Hantaï, Galerie Gagosian, Le Bourget

Avant le confinement du printemps 2020, la Galerie Gagosian, au Bourget, 26 avenue de l’Europe, a exposé Simon Hantaï. « Les noirs du blanc, les blancs du noir ». mardi au samedi, 11-19h. (vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus)

Un mot sur monsieur Gagosian, le plus grand marchand d’art, homme d’affaires spécialisé dans l’art moderne, homme de pouvoir, étonnant stratège. Son empire s’étend de New York (4 Galeries) à Hong-Kong, en passant par Los Angeles, San Francisco, Londres (2 Galeries), Bâle, Athènes, Paris (2 Galeries) etc. Et si ce big commerçant avait malgré tout une vraie passion pour l’art et les artistes? Allez! On y croit!

Un mot maintenant sur cette Galerie du Bourget, car le cadre vaut le détour! Née en 2012, à partir d’un immense local industriel des années 50, réhabilité par Jean Nouvel (eh! oui! carrément! mais c’est tant mieux!). Boîte blanche géante, sans colonnes, avec mezzanine métallique qui court là-haut, quelques « corridors » plus cachés…La lumière traverse les anciennes fenêtres de cet atelier, en verre opaque criblé… Et ne pas oublier que nous sommes tout à côté des pistes de l’aéroport! Pratique quand on arrive en jet privé!!!!

Les grands formats de Simon Hantaï, ici, feraient presque figure de petites toiles!! Mais non! Tellement présents, les Noirs et Blancs. Dans le coeur de la Galerie. Dans ce grand espace vide… tellement rempli par les pliages du peintre.

Kaléidoscopes géants. Des milliers d’éclats de couleurs blanches et noires qui donnent l’illusion de bouger, de tourner, de se déformer, de se métamorphoser. Ces toiles, que le peintre malmenait tant, donnent le meilleur d’elles-mêmes. Plissées, pliées, froissées, nouées, mutilées, piétinées… Elles ont été peintes presque à l’aveugle, laissant une grosse part d’aléatoire. Quand on pense au nombre vertigineux de combinaisons possibles! En tout cas, la démarche de Hantaï est étonnante. Le pliage était, au départ, pour lui, juste une expérience artistique (il est d’abord passé par la peinture surréaliste, puis abstraite). C’est devenu une obsession. Un principe. Et il l’a décliné à l’infini.

L’expo montre, dans ses endroits plus intimes, quelques peintures d’avant 1960 (année où il a débuté les pliages), quelques pliages de couleurs aussi, et des photos et une vidéo qui expliquent comment il procédait avec ses surfaces à peindre: un vrai corps à corps parfois. Il violentait ses grandes toiles souples, les coupait au cuter, les réutilisait différemment. Avec lui, la peinture est une entité…Ou, au moins, une matière redéfinissable.

Ce qui est étrange et intéressant, c’est que, en s’approchant des toiles, on peut prendre les traces de plis pour des traits de crayon, des tentatives, des essais, des brouillons! Eh! Non! Le travail de l’artiste n’est pas là où on l’attend! C’est bien!

Confrontation, Hôtel de Voguë

Tous les deux ans, l’association « Les amis de la peinture bourguignonne au XXème siècle » propose une exposition intitulée « Confrontation ». C’est à l’Hôtel de Voguë, rue de la Chouette, Dijon. Cette année 2019, Jean Renaut (40ème anniversaire de sa mort) était à l’honneur, « confronté » à 3 de ses amis peintres, Etiévant, Martinet et Patte. C’était en octobre .

Ces artistes sont du siècle dernier. Déjà anciens, n’est-ce pas! Ils avaient encore un pied dans le XIXème siècle!

Mais, en fait, si un certain parfum de désuet flotte dans cette exposition, on est néanmoins frappés par la liberté d’expression et l’élan de créativité personnelle et nouvelle de certaines oeuvres.

La pianiste, Jean Renaut

Jean Renaut, lui-même, dans ses huiles, sort du commun. Il pose souvent la couleur en touches ou petits aplats, tantôt comme une trame de tapisserie, tantôt comme des fragments de vitraux. La couleur fait le tableau. On ne voit qu’elle (on oublie les traits noirs qui surlignent le dessin). La couleur c’est de la lumière. Elle exprime particulièrement bien la musique, sujet de plusieurs de ses peintures. « Les musiciens jaunes » ne montrent pas vraiment des musiciens mais les merveilleux sons éclatants qu’ils diffusent.

Lucien Martinet, dans cette même lignée, raconte la nature avec de la couleur au couteau (pas toujours). A peine quelques lignes, parfois, suffisent à situer le sujet. La couleur, elle, transcrit l’émotion et la sensibilité. L’impressionnisme n’est pas loin.

L’arbre mort, Lucien Martinet

André Patte, lui aussi, a certaines audaces picturales pour transmettre un coup de coeur devant un paysage. Sa neige à Flavignerot et son Danube à Budapest ont un étonnant travail du blanc…

Les aquarelles de ces messieurs (seconde salle de l’expo) jouent dans le plus classique. Sauf Serge Etiévant qui innove de temps à autre, pour ses aquarelles, avec un support original: le papier crépon. Le plissé et la légèreté de cette matière créent un relief, un mouvement et un jeu d’éclairages intéressant. Voire même, ajoute un élément, comme cet effet de pluie sur son orage à la plage.

street art, Dijon

« Ouai! Ben! C’est pas chouette » disait une dame, 38 rue des Godrans, à Dijon, me voyant lever le nez, et faisant de même, pour regarder une nouvelle peinture de street art.

Oui, ben moi, je trouve ça chouette.

Nichée dans un angle, dans un renfoncement, la fresque s’étale en hauteur, sur peu de largeur. Et cette colonne un peu coincée entre façade d’immeuble, gouttières et fils électriques (la peinture recouvre le tout) donne à voir des feuilles d’automne et un papillon très réalistes. La palette est d’automne elle aussi. La vision est grossie, zoomée. J’aime ce côté à la fois discret et imposant!

Je me doute que cette oeuvre entre dans le cadre du festival Banana Pschit. Elle est de l’artiste Mantra. Vous pouvez agrandir l’image en cliquant dessus. La photo n’est pas bonne, désolée, il pleuvait à saut et je n’avais que mon téléphone pour photographier cette belle découverte.

Christiane Bruley, Joël Petot, La Source

En octobre 2019, à la Galerie La Source de Fontaine-lès-Dijon, « ARTbres » était une exposition de Christiane Bruley, peintre et de Joël Petot, sculpteur plasticien. Du mercredi au dimanche, 15h30-18h30. (vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus)

Voilà un vrai travail à deux. Deux plasticiens qui exposent de concert, en accord complet. Trop souvent, un peintre s’associe à un sculpteur pour une expo, sous prétexte qu’ils sont copains ou qu’ils ont le même thème….. ça donne en général du juxtaposé, du rafistolé, du heurté. Ici, à La Source, avec ces deux artistes, il y a, au contraire, une unité, une osmose. On ne passe pas d’une oeuvre à une autre. On circule, on glisse. Sans obstacle. Comme si on se baladait en forêt. Et ça tombe bien, puisque le sujet est précisément l’arbre!

Quand Christiane Bruley, la peintre, exprime l’arbre, elle pénètre tout naturellement son mystère et son intimité. C’est l’énergie de l’arbre qu’elle peint, sa force ou ses blessures, sa dynamique, le battement de son coeur, l’histoire de sa vie. L’arbre est là, avec son écorce (sa peau), son feuillage, son tronc, ses branches, son enracinement et son élévation au ciel. Et pourtant, l’arbre, on ne le voit pas. Parce que l’art ne montre pas. La puissance évocatrice de la peinture abstraite de Christiane Bruley suffit.

Et de cette peinture en elle-même émane une sorte de vitalité dans le coup de brosse ou de pinceau tout à fait réjouissante! Une grande liberté du geste de l’artiste, tout à fait maîtrisé.

Et, avec Joël Petot, le bois est brûlé au chalumeau ou scié, débité, poncé, taillé. C’est l’intervention de l’homme sur l’arbre. Mais peut être pour le montrer plus noble et plus « extra » ordinaire qu’il n’est déjà. Claude Martel parle de cette « façon symbolique de communiquer avec la matière » et d' »aventure artistique ».

A noter encore: -Plusieurs fois, des peintures de Christiane Bruley sont incrustées dans les bois de Joël Petot. Belle image d’une collaboration d’artistes. -Le plaisir de la matière est partout présent, écorce, sciure, carton, métal, papier… -Le montage de l’exposition est intelligent et séduisant. -La vidéo des artistes, sur le thème de l’arbre, au premier étage, est à voir. -Les « chaises » de Joël Petot, au rez-de-chaussée (une de ces métamorphoses étonnantes de l’arbre!) peuvent accueillir sans souci votre repos. Elles supportent aussi pendant des années d’être dehors sous les intempéries!

PAPIER et papiers, Cellier de Clairvaux

L’association Les Inventifs a proposé en septembre 2019 l’exposition « PAPIER et papiers » au Cellier de Clairvaux, Dijon. (Vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus)

Invités par Les Inventifs, cinq artistes et une maison d’édition se sont installés au Cellier de Clairvaux pour réunir leur passion du papier, et présenter quel support il est pour eux, ou quelle matière, quel inspirateur, quel vecteur… { AEncrages (livres d’artistes), Christine Delbecq, Marianne du Preÿ, Jean-François Fontaine, Odile Massart, Jean-Pierre Minella. }

Marianne du Preÿ

Les doigts dans les poches pour me retenir de tout toucher, je suis restée longtemps à cette expo. J’ai touché quand même! Pas tout! Je pensais à ces artistes qui avaient eu entre les mains les papiers et cartons. Qui avaient senti leur peau, leur relief, leur grain. Qui avaient éprouvé leur résistance ou leur douceur. Qui avaient écouté le son de l’outil dessus, plume, crayon, pinceau. Qui avaient eu le plaisir de graver, dessiner, couper, coller. J’ai pu feuilleter de superbes pages reliées, admirer des livres d’artistes, consulter des recueils personnels. Mais j’ai haï les cadres et vitres de certaines oeuvres!

Jean-François Fontaine

Et ma visite est passée par quelques lignes fines et noires tracées sur la feuille de papier, par d’énergiques surfaces colorées sur carton usagé, par le dessin fouillé d’un arbre torturé, par de drôles de petits clins d’oeil en aquarelles, par des plans rapprochés minutieusement dessinés jusqu’à l’abstraction etc.

Christine Delbecq

J’ai apprécié ensuite le côté informations et techniques de cette expo. Sur de grandes tables, j’ai vu des explications et des plaques de cuivre côté graveurs, des caractères d’imprimerie côté édition, des documents divers pour mieux connaître certains artistes.

Odile Massart

Frédéric Galland, « les plus désespérés… »

Sans vouloir provoquer, ni aller contre une opinion majoritaire, je pense que l’art qui exprime la face sombre de nos vies est souvent plus intéressant que celui qui montre la face rose. J’ai déjà cité, je crois, le vers de Musset: « les plus désespérés sont les chants les plus beaux »! C’est tellement vrai!

L’univers du peintre Frédéric Galland est dérangeant. « Dérangeant », c’est le terme utilisé poliment par ceux qui détestent et fuient ce genre de peinture. « Dérangeant ». Oui, et alors? L’art a le rôle de déranger. C’est à dire de permettre de garder les yeux ouverts, de se poser des questions, de connaître un pire qu’on voulait ignorer (ou un meilleur, bien sûr aussi!), de savoir que la vérité est infiniment diverse et personnelle et passionnante.

En fait, les personnages de cet artiste me bouleversent. Parce qu’ils souffrent, dans leur corps et dans leur âme. Mais peut-être aussi parce qu’ils nous ressemblent et qu’on ne veut pas l’admettre. (vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus)

Voilà des êtres nus et tordus, le crâne rasé, suppliciés peut-être, les membres atrophiés, errants, paumés…Des humains dégénérés, à l’air hagard… Prisonniers de quelque chose ou de quelqu’un. Résignés. Profondément seuls, même s’ils sont parfois ensemble.

Je voudrais croire qu’ils ne sont pas le symbole du devenir de l’humanité. Je voudrais croire qu’ils ne sont pas, tout simplement, à notre image: déformés et entravés. Par quoi? Oh! Vous allez bien trouver! Chacun ses raisons.

Et, étonnamment, ces oeuvres qui incarnent la douleur et la laideur, sont belles. Le dessin est puissant. Que ce soit les sanguines, les huiles, les dessins à la pierre noire… le travail a un côté ardent et fascinant. Parfois du Michel Ange!

J’ai découvert Frédéric Galland aux expositions de « Eva-sions des Arts », dans l’Auxois , en août 2019. Il habite en Auvergne. Voici son site: https://fredgalland.com/