Au musée des Beaux Arts de Dole, l’exposition de l’artiste chercheuse Giulia Andreani « La Cattiva » (la vilaine, la sale gosse!) était présentée l’hiver 19-20. (10-12h et 14-18h. Fermé lundi et dimanche matin)
Cette exposition d’art contemporain m’a à la fois fortement intéressée et partiellement agacée!
Giulia Andreani s’est énormément investie dans des recherches. Elle a patiemment fouillé. Et à partir d’archives, elle a réalisé ce travail qui nous est présenté au musée de Dole. Quelque chose de touffu. Aux multiples ramifications. Aux enchevêtrements subtils. Avec un fil rouge sans équivoque: l’insoutenable situation de la femme au début du siècle dernier.
Avec trois grandes peintures, « les allégories », l’expo débute sur le sujet intéressant des artistes femmes, pionnières, dans les années 1911-1925. Giulia Andreani part de sa récente expérience de résidente à la Villa Médicis, faisant d’habiles allers-retours et superpositions passé-présent, entre les pensionnaires de la Villa en 2017 et des « collègues » d’il y a 100 ans. On retrouvera ces dernières comme un refrain plusieurs fois dans l’expo.
Et dans cette première salle, on découvre la technique de Giulia Andreani: l’utilisation du gris de Payne (gris foncé, à tendance bleue), habituellement pour l’aquarelle, mais pas chez elle. Ce médium lui permet souvent de donner une ambiance vieille photo à ses toiles et de créer une unité chromatique avec toutes les nuances de gris. Autant dans ses grands formats, comme des fresques historiques, que dans ses petits portraits, nombreux et très réussis.
On est dans une réalité fantomatique du plus bel effet. Mais l’évocation du passé est d’abord là pour frapper. Les anecdotes racontées en images sont symboliques. Elles portent en elles une mission.
Tout y passe: l’émancipation (forcée) de la femme pendant la guerre de 14 (travaillent à la place des hommes partis au front) , les noms de métiers féminisés (cheminotes, guérillères, pompières…), les écoles d’art interdites aux femmes, le harcèlement sexuel des peintres hommes, la première femme maire, les « filles-mères », le pantalon interdit aux femmes, les grandes figures historiques de femmes agissantes, celles qui ont vécu dans l’ombre de leur mari, l’éducation des petites filles l’aiguille à broder dans la main etc.
J’aime l’idée du masque, qui revient souvent ici: masques de méduse, masques à gaz, visages brouillés ou à-demi camouflés etc. Allusion à tout ce qui pouvait (peut?) museler et cacher les femmes.
Et, liés à ce soutien absolu au féminisme, apparaissent les dictateurs, les fascistes… L’exposition prend aussi un caractère politique.
Vous l’aurez compris! J’apprécie le travail de la plasticienne Giulia Andreani, l’émotion qu’elle fait passer avec ses portraits, tels des clichés anciens, la richesse de ses grandes toiles qui, comme chez les peintres d’autrefois, comportent de nombreux détails allusifs, sa façon de mêler, de coller, de couper, de monter, de (re)composer, d’associer, de se référer, de rapprocher les échos…
C’est un beau et bon travail contemporain d’art et de recherche. Par contre, je supporte mal l’art qui s’engage dans des idées d’actualité, dans des prises de position sociales ou politiques. Pour moi, l’art n’a pas ce rôle, surtout quand c’est systématique, radical et catégorique.
L’art révèle, oui. Exprime l’indicible, l’intime, l’intérieur… Il suggère. Il nuance. Il traduit autrement. Mais ce qui est déjà dit ailleurs, dans la vie réelle, avec force mots et images sans art, je n’ai pas besoin que les plasticiens me le rabâchent.
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