A L’Orangerie, jardin des Tuileries, à Paris, une intéressante exposition rapprochait les Nymphéas (Monet, of course) et l’abstraction américaine des années 50. Eté 2018.
Depuis quelques temps, dans les expos d’art, c’est la mode de tenter de comparer, de rapprocher, de trouver des ressemblances, des influences…Parfois, c’est tiré par les cheveux! Ici, avec ce Monet qui aurait ouvert la voie de l’abstraction, et en particulier chez les peintres américains, on ne sent pas trop l’exercice périlleux et gymnastique! Ou alors, on se laisse facilement convaincre. Kelly (premier tableau à l’entrée de l’expo, « tableau vert ». Photo ci-dessus) est le seul qui se réclame vraiment de Monet… Les autres ne font que peindre à sa manière, peut-être inconsciemment. Soudain, leurs toiles respirent la couleur au détriment de la forme, créent une immersion dans un espace, suppriment les repères, font couler la peinture, font des taches, des éclaboussures et oublient la représentation d’un sujet…La filiation avec Monet n’est pas évidente. Son influence, bien hasardeuse. Mais c’est intéressant de chercher les point communs. Ce sont finalement les critiques d’art (tel Clément Greenberg) qui ont souvent analysé ces affinités entre les abstraits américains et les impressionnistes, particulièrement Monet dans ses oeuvres ultimes.
J’étais contente, en fait, de revoir les Nymphéas. Ces grands panneaux présentés en salles circulaires, ces impressionnants cadrages et vues rapprochés. Ce travail acharné d’un pinceau qui va et vient, qui tourne, qui superpose, qui compose sans lignes et sans dessin. Sacré jardin d’eau de Giverny!
Nymphéas (extrait)
Côté américains, de belles choses abstraites. Rothko, Pollock, Morris Louis, Mark Tobey, Sam Francis…
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois, et voir le nom de l’auteur
On arrive encore à découvrir des pépites dans le monde de l’art, en région dijonnaise! Ce mois-ci, une artiste photographe m’a occupée l’esprit et le coeur un bon moment à la suite de ma visite à son expo (Cellier de Clairvaux, invitée par Les Inventifs) : Claire VanVostHuyse.
Claire VanVostHuyse avait choisi d’exposer des photos de fragments de corps. A première vue, j’ai eu l’impression d’être devant des morceaux de tableaux anciens. Tachés par quelque humidité ou usure. Un aspect vieilli très émouvant, qui donnait de la distance entre le visiteur et l’oeuvre. Du Véronèse, par exemple, ou du Tintoret (mais en noir et blanc!) Une peinture abimée par le temps, dégradée, avec des parties à-demi effacées.Je voyais des extraits, des gestes arrêtés. Un pied, un bas de dos, un sein, une main…Et, du coup, le sujet n’importait plus. Je n’essayais pas de reconstituer un corps, ni d’une femme ni d’un homme. L’image, avec son côté incertain, inachevé, suffisait à transmettre une sensation, un émoi. Il y avait de l’amour là-dedans, mais aussi une lassitude de ce temps qui ne cesse de fuir, bouffant tout sur son passage.
J’alternais entre l’oublié et le retrouvé. L’éloigné et le rapproché.
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois (pardon pour la mauvais qualité des clichés, pardon à l’artiste)
Pour ce Salon de Fontaine 2018, il me semble que j’ai envie de citer davantage d’artistes que l’année dernière! J’en rejette moins!! Un bon cru donc! (Même si je suis toujours allergique à ce genre d’exposition où les oeuvres les plus disparates cohabitent tant bien que mal).
Petit tour d’horizon. Là où je me suis arrêtée. Intéressée, surprise, émue, curieuse ou carrément séduite. Sans ordre.
C. Bossier, ses gravures sur carton. Yi-Ling Lu, ses encres immatérielles. C. Maufret, ses graphismes fouillés. F. Adenis, ses nouveaux dieux poissons. C. Micheli, son pinceau magique en noir et blanc. F. Lepoivre, ses drôles de personnages allurés. M.C. Chevalley, ses planches de dessins. F. Content, ses élégants et touchants monotypes. F. Canet, sa folle famille en buis. C. Tiercin, ses espaces silencieux.
(extrait)
F. Orzel, ses contrastes mouchetés en noir et blanc. P. Gonzales, ses douces photos surannées. M. Reboulleau, ses aquarelles musicales. E.Kubicki, ses zooms au cœur de la matière. D. Carette, ses rythmes colorés. M. Challaux-Berthet, ses harmonies en petits formats. P.Simonnet, ses créatures métalliques… (Etc, bien sûr!)
L’invité d’honneur est Philippe Guerry. On l’avait découvert à La Galerie La Source il y a quelque temps. Un geste pictural bien à lui, qui fait tout tanguer, se fluidifier, se noyer, se perdre… Une palette bien à lui, tout aussi aquatique. Les scènes peintes, en cabarets, bars ou casinos, transpirent à la fois la sensualité et l’ennui. Voire la désespérance. Tout un univers.
extrait)
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois, et voir les noms des auteurs
En mai 2018, la médiathèque, Média@lude, de St-Apollinaire nous a offert une exposition super! « Théâtre muet des bibliothèques », de Marc Giai-Miniet. Mardi et mercredi 15-18h30, jeudi, vendredi et samedi 10-12h et 14-18h (samedi 17h)
Décrire c’est démolir. Tant pis, vous devez savoir ce qui vous attend à cette expo. Une série de placards ouverts, en quelque sorte. Avec des rayonnages, ceux des étages supérieurs sont à hauteur de vos yeux, à peu près. Ou des maquettes… Ou des immeubles miniatures, en coupe… Ou des maisons de poupées, vous savez, ces intérieurs de Lilliputiens où vos doigts qui s’y aventurent sont devenus des géants…
Bref, l’artiste, lui, les appelle des boîtes. Et pour cette expo à la médiathèque, ce sont ses bibliothèques qui ont été choisies.
Ces petits mondes construits par Marc Giai-Miniet créent le malaise.
Car, ces sages bibliothèques, d’une part sont désertes et abandonnées, et d’autre part finissent dans les chaudières du sous-sol où brûlent les livres. De monstrueux engins les ingurgitent dans leurs tuyaux. Et tout finit dans le noir des caves. Carbonisé. La bibliothèque est assimilée plusieurs fois à une mine de charbon: le livre est un carburant. Un côté Fahrenheit. Ou pire, Holocauste. En tout cas, le côté obscur de l’humain. Là-haut, le savoir, la culture, la mémoire. En bas, la destruction, l’anéantissement, la mort.
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Centre Pompidou, à Paris, une rétrospective de l’oeuvre de Sheila Hicks était installée à la Galerie 3 au printemps 2018, intitulée « Lignes de vie ».
Comme souvent maintenant dans les grandes expositions ou même dans certains nouveaux musées, pas de cloisons, pas de séparations. Ici, les oeuvres textiles de l’américaine Sheila Hicks sont montrées dans une vaste salle, sans ordre apparent, sans vraie chronologie. Invitation à la promenade.
Promenade du regard d’abord. A l’entrée, on ne voit, je crois, que de la couleur. Une immense palette de peintre. Et puis, on voit de la laine! On se dit (si on ne connaît pas bien l’artiste) que ce sont juste des pelotes géantes entassées ou accrochées aux murs, ou des écheveaux ultra-dimensionnés en cascade depuis le plafond, ou des piles de gros pulls tricotés ( à la rigueur des écharpes!) Non?
Décidément non. Plus on avance dans la salle, plus on s’approche, plus la subtilité du travail de l’artiste saute aux yeux. L’association de fils de matière et de teinte différentes aboutit à de belles compositions abstraites.
On a le plaisir de la couleur, certes, mais aussi du volume, de la matière … Du raffiné au rustique. De la soie au lin ou à la grosse toile. Ce sont de grandes sculptures, parfois.
Un mur de la Galerie est couvert des « Minimes » . Ces petits formats (20×30 cm) sont autant de mini tapisseries, tissages, broderies… que je ne connaissais pas. L’artiste les nomme aussi « investigations » ou « expressions personnelles ». De fins travaux manuels! Des bijoux!Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Au sous-sol du Drawing Hôtel, rue Richelieu, à Paris, se tiennent régulièrement des expositions de dessins que je qualifierais d’expérimentales. L’une d’elles a présenté le travail de Gaëlle Chotard. Titre de cette expo: « Ce qui me traverse » (tiré de vers d’Aragon dans le « Fou d’Elsa »).
Ici, la feuille de dessin, c’est la salle. Grande salle aux murs blancs. L’artiste a tracé, étiré, emmêlé et griffonné. Elle a relié, affiné, traversé, quadrillé, et levé la main pour stopper, puis elle a repris… Au bout de ses doigts, du fil métallique en guise de crayon.
La page blanche, c’est la salle vide. L’artiste dessine dans ce volume. Mais elle se fait discrète. Elle est modeste dans son geste d’occuper l’espace. Elle lui laisse la place. Le vide de la pièce est libre de jouer son rôle, de soutenir, de révéler, de faire voir les traits tracés par l’artiste. C’est une collaboration entre eux.
La petite salle voisine montre des dessins à l’encre de Chine. Des croquis, des lavis qui se répondent avec l’installation de la première salle. Qui se font écho, qui résonnent, qui s’appellent.
Les créations de Gaëlle Chotard, arachnéennes, sont à la fois dans l’infiniment petit et dans l’extension de l’univers infiniment…infini. Intérieur du corps humain, avec ses réseaux et ses noeuds. Ou lointains galactiques avec ses myriades et ses mouvements géants. C’est ce que tout cela nous évoque. Mais, de toute façon, on est dans l’émotion pure.
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois (pardon pour la qualité médiocre des photos. Allez voir le travail de Gaëlle Chotard, c’est mieux!)
L’été 2018, à La Chartreuse, dans l’espace d’exposition L’Hostellerie (parc, non loin du puits de Moïse)fut présentée une rétrospective de Pierre Merlier. Mardi, mercredi, samedi, dimanche, 13h30-17h30.
Une humanité foisonnante. Tout un petit peuple de personnages, ou monstrueux ou plus vrais que vrais. Une forêt de créatures impressionnantes… Voilà ce qui vous attend à L’Hostellerie. Pierre Merlier, mort à 85 ans l’an dernier, fut un artiste à part, hors étiquette, hors mode. Il attaquait à la gouge ou à la tronçonneuse les troncs d’arbres, les branches, les souches. Il sculptait avec fougue. Et il a ainsi donné naissance à une foule insensée de centaines de personnages qui révèlent l’image qu’il avait de notre société. Son côté observateur, mais aussi révolté, critique, canaille…
Quelques sculptures sont « calmes ». Mais la plupart sont grotesques, clownesques, tonitruantes, fantasmagoriques. La rétrospective de la Chartreuse en montre un grand nombre, reflétant bien son travail. (Encore que le côté érotique ne soit pas trop montré!).
Il y a une catégorie de ses personnages qui évoque des caricatures. Des célébrités (Hitler, de Gaulle…) ou pas. Quelle virtuosité du trait! Taillés dans le bois, souvent grossièrement, et pourtant, des portraits d’une justesse et d’un drôle!
Cette exposition montre aussi quelques intéressantes peintures de Pierre Merlier et des bas-reliefs.
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
En mars 2018, j’ai fait une visite du centre orthodoxe russe, quai Branly, à Paris, tout près de la Tour Eiffel. Vous savez? Ces 5 bulbes couverts de feuilles d’or, qui surmontent un élégant bâtiment tout blanc (architecte Wilmotte). Et il s’est trouvé qu’une exposition d’icônes s’y déroulait.
Très documentée, cette expo remettait en mémoire les techniques et les représentations incroyablement codifiées de l’art de l’icône. J’ai aimé m’approcher au plus près de ces tableautins religieux datant du XVIIème au XIXème siècle (aucune vitre, aucune barrière!).Toutes peinte à la tempera à l’oeuf, sur « levkas » (enduit de craie liée à de la colle chaude), elle évoquent des scènes des Livres sacrés. « Dormition de la Vierge », « Descente aux Limbes » etc. Connaissant peu la religion orthodoxe, je me retrouvais dans un monde lointain, étrange et étranger. Mais c’était prenant. Je retrouvais bien un peu de ma culture chrétienne de mon enfance, mais avec tant de différences cependant.
anachorètes en prière (détail)
Les images avaient à la fois un caractère réaliste (des portraits, semble-t-il) et complètement assujetti aux symboles, aux traditions, aux croyances. Les artistes, que mettaient- ils d’eux-mêmes dans ces peintures? Si contraints qu’ils étaient par les lois, les habitudes ancestrales, les tabous etc.
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Une nouvelle expo au Consortium , hiver et printemps 2018. Quatre artistes principaux. Suivant les salles et les oeuvres, je suis passée allègrement du désespoir à l’emballement. Avec des passages par le simple intérêt. Donc, finalement, de quoi bien se remplir.
Découverte de Jay Defeo, une américaine morte en 1989, connue à partir des années 50, avec la Beat Generation. Célèbre pour sa peinture-sculpture, « the Rose », qui obligera la démolition d’un mur pour l’extraire de son lieu d’expo! (l’illustration ci-dessous ne correspond pas à cette histoire! C’est une toile du Consortium)
Je passe sous silence une certaine installation avec des lampes de poche: ah non! Zut!
Parmi les collègues qui entourent Jay De Feo, j’ai retrouvé Tobias Pils que j’avais déjà noté ici comme intéressant.
La salle, pour moi, la plus réussie, est celle de Mathew Lutz-Kinoy. Ce jeune artiste américain, touche-à-tout (danses, théâtre, performances, vidéos, peintures…), a installé là d’immenses toiles et quelques petites céramiques sur tatamis. Un ensemble cohérent dans la mesure où le point de départ est François Boucher, peintre du XVIIIème siècle. Et nous voilà plongés dans une ambiance château XVIIIème. Rien de vraiment défini. Juste des impressions, des sensations. Des harmonies de couleurs poudrées, comme déteintes, vieillies. Le visiteur se promène, plongé dans le passé, mais en même temps bien présent dans sa modernité. Un exploit. Ce que savent faire les (bons) artistes: partir d’un sujet et le malaxer pour en faire une oeuvre à la fois référente et personnelle. Utiliser le vécu, le connu, l’ancien, le déjà-fait…Et puis, pétrir tout cela, gratter, enlever, ajouter, déformer et reconstruire…
Passons à Rebecca Warren, artiste anglaise et son expo « Tout ce que le ciel permet ». Ses sculptures déconcertent au premier abord. Formes longilignes vaguement humaines (à la Giacometti) , hautes et maigres silhouettes qu’on pense féminines. Triturées, boursouflées, dégoulinantes de rose bonbon ou de bleu « Poupina »… En fait, ce sont de grands bronzes qu’elle a repeints. On imagine tout ce que portent en elles ces figures étranges: histoire de la sculpture, vie personnelle de l’artiste, idées féministes etc. Elle réalise d’autres sculptures: un petit peuple d’entités, du même genre, tortillés, déséquilibrés…A la limite de l’homme et de l’Alien. Et puis, il y a ses structures en métal et ses mini « vitrines » avec néon (là, pas compris ni senti quoi que ce soit).
Pierre Keller (né en 1945, école d’Art de Lausanne) utilise, lui, le polaroïd. Un travail sur l’image. Images de l’instant, rapides, narratives, chargées de l’émotion du moment, sans esthétique, à collectionner etc. Je laisse la parole à ceux que cela touche et passionne…
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois, et voir le nom des auteurs
La Galerie Thaddaeus Ropac du Marais (7 rue Dubelleyme), à Paris, nous a offert une vingtaine de peintures de Yan Pei- Ming à voir au printemps 2018. Un régal!
Sur le grand mur blanc du fond, le pape Paul III zyeute du coin de son oeil coquin (lubrique?) la jolie Suzanne à moitié nue. Les deux toiles côte à côte… Bien vu! Drôlement irrévérencieux! Parfait! Et revoilà le pape Paul III sur le mur de droite, deux fois représenté, encadré par une scène porno. Et, sur le troisième mur, c’est au tour d’un cardinal d’être le voisin de femmes nues.
L’exposition a double intérêt: montrer des huiles et des gouaches (rares aussi chez lui) de Ming sur un sujet qu’on lui connaît peu, le nu et l’érotique. Et leur associer ses célèbres portraits pontificaux, dont sa reprise du Titien.
Haut, au-dessus de la porte, un autoportrait géant surveille le tout.
Au-delà de la virtuosité du geste pictural de Ming, on apprécie ici le choc des époques (une jeune femme avec son téléphone portable non loin d’un pape du XVIème siècle), le choc des idées, des cultures, des réalités, des morales, des genres. C’est l’expo des chocs et des contrastes. Même dans les couleurs: ces messieurs de l’Eglise sont peints de grands balayages rouges, pourpres ou bleus. Les femmes sont peintes en dégradés de blanc et gris clair.
Belle confrontation, donc. Avec, pour point commun, le brio bien connu du peintre chinois-dijonnais! Coulures et toniques coups de pinceau créent la lumière, le volume, les lignes…etc
cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois
Commentaires récents