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Le choix du mois, septembre17, j’hésite

Septembre 2017. Qu’est-ce qui m’a fait vibrer le plus (en art) ce mois-ci? J’hésite.

J’hésite entre une nouvelle visite sur le site de Christine Delbecq et des gravures d’Odile Massart à l’exposition de la Coupole. Pas pareil. Bon,j’essaierai une autre fois d’écrire sur Odile Massart, quand je connaîtrai mieux son travail. Allons-y pour Christine Delbecq et ses mots!Delbecqmurs2

Dans son atelier, j’ai vu que Christine Delbecq était  repartie dans une réalisation de l’un de ses « Murs qui tremblent ». Je me suis donc rendue sur son site, après plusieurs mois sans visite. J’avais presque oublié comment elle sait écrire. Comment elle sait dire le pourquoi de ses projets. Quelques mots d’elle, et ça y est… On se sent bien (mieux) devant son travail de plasticienne. Il suffit de ces trois-quatre lignes pour qu’on soit (r)assurés, confirmés dans notre rapport à ses travaux. On avait bien déjà un peu pressenti des choses… On avait déjà osé exprimer des impressions, des visions, des réactions. Mais quand c’est dit par elle…Et que ça correspond… Ouf! Le plaisir devient fluide. Le parcours sur son chemin d’artiste se fait maintenant sans heurt. On avance, on recule, on improvise, on invente, on interprète, on imagine, on explique, on éclaire, on pénètre…

C’est drôle comme j’ai besoin de ses paroles ou de ses écrits à elle, Christine Delbecq, pour apprécier encore mieux son travail. Ses travaux, je sens qu’il s’y passe toujours quelque chose. Et que c’est important. En moi, une vapeur, une buée, une chaleur. Mais informe. Sans squelette. Je cherche des mots (j’adore ça, d’habitude! Poser des mots sur une oeuvre d’art et je l’ai déjà fait pour elle, mais c’était il y a longtemps) et ils ne viennent pas. Ou ils sont si mal à propos…Ou timides…Incertains.

J’ai donc relu ou lu tout ce que Christine Delbecq met dans son site. « Marcher les jours », « Chambre d’écho », « Dans le grand blanc », « Chaos Carton » etc. etc.

J’ai aimé quand, à propos de son travail, elle parle de « remachage discret », d' »une même idée mâchonnée, ruminée, ingérée et digérée ». Quand elle écrit « ébranler le point de vue ». Quand elle évoque « notre rapport à l’immense ». Et, sur « Les PetitsRouges », « élans et rencontres, suspensions et arrêts ». Sur « MarcherLesJours », « un paysage tissé par les liens ». Sur « LesMursQuiTremblent », « les vibrations du mur, les échos qui prolongent toute expérience ». Et plein d’autres choses encore! Certes, son oeuvre est en première place par rapport à ce qu’elle en dit! Mais malgré tout… ça se complète d’une certaine manière.

http://christine.delbecq.free.fr/

mursDelbecqCliquer sur le visuel pour agrandir, en deux fois

Muriel Carpentier, ABC

Dans le Hall de l’ABC, passage Darcy, à Dijon, « Abysses » , en octobre 2017. Un travail de Muriel Carpentier.

C’est avec une vidéo que Muriel Carpentier m’avait interpellée il y a quelques années. Un collier de glaçons qui fondaient autour du coup d’une femme. La peau frissonnait. Les gouttes glissaient. Les « perles » d’eau gelée s’amenuisaient peu à peu. Génial.

Cette fois, il y a encore vidéo, mais pas que…Autour du thème des abysses, la jeune artiste (des Beaux Arts de Dijon, c’est  ici sa première expo solo) décline dessins, photos et installation.

A l’entrée, deux simples tréteaux peints en violet et éclairés d’une simple lampe de bureau accueillent quelques superbes encres colorées de l’artiste. Belle idée. Bien mieux que accrochées au mur. Car…on les regarde du haut. On « plonge » dedans. Pour voir de mystérieux organismes aux belles transparences. CarpentierOn ne sait pas encore qu’on va descendre beaucoup plus profond encore!

Continuons notre plongée en apnée. Aux murs, des dessins minutieux et fouillés nous font rencontrer quelques créatures en mutation. Mi-végétales, mi-animales.Carpentier3

Allez, on s’aventure derrière le rideau noir! Un décor de roches noires que je définirais volontiers comme volcaniques nous entoure. On ose marcher un peu. Mais des flaques d’une étrange matière aquatique, mi-visqueuse, mi-mousseuse, nous arrêtent. Une lumière venue des profondeurs les éclaire par dessous. Danger! On n’avance pas le pied! ça semble sans fond! Carpentier2Venu des entrailles, ce liquide remue lentement, au rythme des sons qui résonnent autour de nous. Échos de grottes, craquements, glouglous…Avons-nous atteint le ventre de la terre? Ce liquide est-il fécond? Il passe par une palette de couleurs magnifiques, du glauque au rouge feu. Est-il bouillant ou glacial? Va-t-il en jaillir une de ces créatures inconnues qui vivent dans les abysses, de celles vues sur les dessins de Muriel Carpentier?

L’exposition est courte. Peu de choses.  Mais on est convaincu. Sa projection vidéo « Descente en eaux troubles » s’associe à ses dessins « Captures » et « Paliers » et à ses photos pour créer un univers et transmettre des sensations, voire des réflexions.

On peut terminer par le book de Muriel Carpentier et constater qu’elle est ouverte à plusieurs domaines de création, seule ou en collectifs. Elle construit peu à peu une oeuvre. A suivre.

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« Opiums? » à l’abbaye de Auberive

MarcPetit2L’Abbaye de Auberive (Haute Marne) est un centre d’art contemporain, entre autre ( aussi concerts, conférences etc). Son propriétaire, Jean-Claude Volot, est grand collectionneur d’art. Particulièrement intéressé par l’art singulier (art brut) et les arts populaires. Chaque année, en été, l’abbaye présente une exposition. 2017 a été marquée par « Opiums? », qui proposait une grande partie du fonds de l’Abbaye et quelques autres oeuvres. Le tout  sur le thèmes des croyances, des religions, des dévotions, des addictions diverses et variées. Jusqu’au « culte » rendu à Mao! Une exposition très très complète

Parmi la quantité d’œuvres présentées, j’ai envie de parler de celle de Yolande Fièvre, son « Petit peuple pour des pierres ». FièvreDes créatures faites d’argile séchée sont assemblées en une sorte de cérémonie, sur un sol jonché de terre. Il semble que certaines soient décapitées. D’autres seraient bicéphales. De fins branchages ont poussé dans leur corps et jaillissent tels des membres. Ils s’emmêlent pour former au-dessus d’eux comme un dais de procession. Trois animaux, d’argile eux aussi, de la taille de gros chiens, suivent ce rituel. Mais ces êtres étranges ne seraient-ils pas des buissons animés de vie quasi humaine? Oui. Les ramures ont une âme. La nature a une âme. Voilà sans doute ce que dit l’installation de l’artiste. En tout cas, c’est bouleversant. Plongeon dans les ancestrales croyances, et dans nos propres rêves, cauchemars et imaginaires.

Dans la pièce à côté, un autre « petit peuple », celui de Jephane de Villiers. de VilliersUne foule de mini personnages hallucinés se regroupe autour d’un énorme animal (lui aussi d’argile séchée) ou s’agglutine sous une espèce de cage faite de ronces. On imagine des populations soumises à une divinité…ou quelque chose comme ça. Là encore, une installation bouleversante.

Le sculpteur Marc Petit occupe une place de choix dans cette Abbaye d’Auberive. De très nombreux bronzes sont à voir en extérieur comme en intérieur. Et on se laisse prendre par ses sombres personnages accablés, tourmentés, ravagés de souffrance. L’artiste ne leur a laissé que la peau sur les os. Une peau parcheminée, ridée jusqu’à la déchirure. Ils sont à la fois légers comme des fantômes et lourds comme des humains qui avancent sous le poids de tous les malheurs du monde.MarcPetit Ils avancent, et même ils dansent. Jambes, bras et mains graciles dessinent des chorégraphies. Mais c’est « la danse macabre ». La mort, déjà, avant même d’être mort. La mort à l’intérieur de la vie. Ou le contraire.    La matière même de ces sculptures, entre terre souple manipulée par les doigts de l’artiste et rigidité cadavérique du bronze est extraordinaire.

L’exposition m’a laissé plein d’autres résonances vibrer en moi: Un Christ en bois du XVIIème siècle aux côtés d’un Christ en bois de Tanzanie.  Des maternités de Côte d’Ivoire en bois associées à des Vierges à l’enfant de France ou d’Italie. Une collection de petits bénitiers. Une sculpture pieuse d’art populaire mexicain. Des peintures de Nitkowski, de Correia, de Rustin… Des dessins de Fred Deux. Un Combas. Une collection de porcelaines de la propagande Mao…Rustin

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Eric Schenker, La Source

Jusqu’au 1er octobre, Galerie La Source, Fontaine lès Dijon, Eric Schenker expose « Écritures de l’instant ». Du mercredi au dimanche inclus, 15h30-18h30. Présence de l’artiste les week-end.

Une qualité de cette exposition d’Eric Schenker c’est l’évident réseau de correspondances que l’artiste a tissé entre les œuvres. Aux colonnes répondent d’autres colonnes. Aux graphismes répondent d’autres graphismes. Mais ce n’est jamais ni tout à fait semblable ni tout à fait différent. Subtilités des échos.

L’expo s’ouvre sur trois colonnes blanches grand format. L’entrée d’un temple! Sur leurs quatre faces quelques élégants signes à l’encre noire attendent qu’on les déchiffre! Schenker3Et, surprise, sur chaque peinture accrochée aux murs, on distingue une petite excroissance blanche, garnie de ces mêmes graphismes (ou leurs cousins, en tout cas). Comme si les colonnes de l’entrée se projetaient en miniature ici.

Trois belles céramiques occupent aussi ce rez de chaussée. Colonnes elles aussi. Mais chaotiques, bousculées. On y retrouve les traces de la mystérieuse écriture (assez proche, décidément, de la calligraphie).SchenkerGagné! A l’étage, les volumes en grès alternent avec les encres et les peintures, prolongeant le travail du rez de chaussée. Beau dialogue. On évoque souvent l’archéologie: émouvantes pièces ruinées qui gardent des empreintes du passé. On pense à une inspiration orientale: traits d’encres épurés ou caractères de style asiatique sur grosse toile.

Pour moi, Eric Schenker reste avant tout un céramiste. Même si j’aime les parallèles  avec les dessins.Schenker2

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Il y a un an, j’avais écrit un texte sur son travail, qu’il a utilisé pour son carton d’invitation. Je le remets ici:

Ça tient…

Quand Eric Schenker dessine, il bâtit.

De quelques traits d’encre, il construit.

Ses architectures sont des défis à l’équilibre et à la verticalité.

Je me demande si ses échafaudages tiennent davantage par leurs pleins que par leurs vides.

Parfois des lignes légères s’échappent de la construction.

Ténues, flottantes.

Je crois deviner ici et là une échelle ou quelques marches improbables.

Ça tient…

Mais ces graphismes pourraient bien être des ombres.

Les ombres de sculptures rêvées.

Des possibles. Des éventuels. 

Car, soudain, oui, le dessin prend matière.

Il devient volume.

Eric Schenker échafaude en grès.

Des choses dressées. Debout.

Des stèles, des totems, des menhirs, des tablettes, des colonnes…

Qui se tendent vers le ciel.

Et … C’est étonnant…

Le dessin est toujours présent.

Il a laissé son empreinte. Il est là.

Comme si la céramique en avait gardé la trace.

Je le vois…

Peut-être son squelette par transparence.

Ou un tatouage…

Céramique tatouée ?

Inextricabilia, Maison Rouge, Paris

A La Maison Rouge (qui fermera malheureusement ses portes dans quelques temps….), 10 Bd de la Bastille, Paris, expo « Inextricabilia ». Eté 2017 Pascal Tassini

Une fois n’est pas coutume, je vais m’adresser à quelqu’un, aujourd’hui, dans mon blog. M’adresser à monsieur Philippe Dagen, critique d’art au journal Le Monde. Que je lis toujours avec intérêt et admiration.

http://www.lemonde.fr/arts/article/2017/09/01/la-maison-rouge-joue-a-marabout-bout-de-ficelle_5179731_1655012.html

Monsieur, votre papier sur l’exposition « Inextricabilia » de La Maison Rouge, à Paris, m’a glacée. Cette froideur  intellectuelle. Inébranlable. Mon Dieu! Alors que tout, ici, parle de malaises profonds et d’appels angoissés. De croyances à des forces supérieures et invisibles, qui serviraient de bouées de sauvetage. De vies compliquées, avec des recherches interminables pour les expliquer et, peut-être, pour mieux les supporter. Qu’on soit artiste plasticien, malade psychiatrique, prêtre ou simple croyant (tribus africaines ou religions occidentales), ici, on est poussé à ficeler, tisser, enrouler, plier, attacher, nouer, emmêler, enchevêtrer… Pourquoi? Chacun sa raison. Chacun son besoin. Vous vous demandez, monsieur Dagen, si le terme « magique » (sous-titre de l’exposition) est bien adapté. Mais oui! Bien sûr! Tous ces gens qui disent, disent, disent et redisent, à leur façon, avec bouts de tissus, fils de laine, cheveux, fibres végétales ou languettes de papier, tentent de capter, quelque que soit la finalité de leur geste, une force indicible et inconnue. Tous, sans le savoir vraiment, sont en quête de quelque chose qui les dépasse et qui pourrait modifier la réalité. Et leur faire du bien.

Oui, monsieur, des objets fabriqués aux 4 coins du monde et du temps, sont ici rapprochés, juxtaposés, confrontés…C’est le but de cette expo. Vous dites qu’il y a confusion et que ce « confusionisme est « peu réfléchi » et « erroné ». Judith Scott Tout se tient. Tout est lié (c’est le cas de le dire!). Pas ou peu de frontières entre tout ça. Derrière, il y a l’humain qui se pose des questions et s’ingénie à trouver des réponses. Aucun racisme, aucune exclusion: chacun a sa place. Et ne pas négliger aussi la plastique de tous ces objets exposés. C’est beau, souvent. Tout simplement beau. Beau, sans doute parce que, justement, il y n’a pas d’intention esthétique (mais bien autre chose).

Je suis sortie de cette « Inextricabilia » troublée et presque ensorcelée. C’est fort. Très fort. (On aurait pu bien sûr ajouter à cette expo beaucoup d’autres artistes qui seraient dans le thème…Mais c’est suffisant)

Pardon monsieur Dagen de vous avoir contredit…  Respect.

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Le choix du mois, août 17, EVA…

Petit coup de coeur, ce mois-ci, pour l’exposition de EVA, dans des villages. (cf « retour d’expos »). Voici juste quelques photos de peintures de Anne Procoudine-Gorsky:

Procoudine-Gorsky

Procoudine2

 

Procoudine3

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Edith Nicot, passion papier

Je me demande si Edith Nicot donnerait facilement l’autorisation d’assister à ses séances de travail personnel. Accepterait-elle volontiers que l’on observe les plissages minutieux qu’elle pratique sur ses longs papiers blancs ? J’imagine que le dialogue qu’elle entretient avec son papier et l’intimité de leurs relations se conçoivent mieux dans le secret de la solitude et du silence. J’imagine.

Mais je ne lui ai jamais posé la question.

Cela étant dit, l’artiste vous reçoit chaleureusement dans son atelier et vous parle sans limite de sa passion papier.

Son atelier est un tout petit endroit, dans son appartement, au dernier étage d’un immeuble. Miraculeusement, cohabitent les outils de la création et la création elle-même !

A gauche, des rayonnages jusqu’au plafond. Tout est empilé, classé, amoncelé, serré… Rouleaux et chutes de papier, boîtes de rangement, petits outils de bois, flacons, anciennes peintures à elle, tiroirs de petit matériel divers… Mais je suis certaine qu’ici Edith Nicot retrouverait son aiguille dans sa botte de foin ! Quand on manque de place, on est ordonné !

A droite, les œuvres de l’artiste. Blanches et aériennes. Edith Nicot vous branche les éclairages. Des ombres de dentelles se mettent à vibrer au mur. E.Nicot Et votre regard, peu à peu, découvre dans la pièce une foule de formes abstraites, pétales, coquillages, artères, nids, nuages.. Le tout en fins pliages de papier de soie. Il y a même des robes et des chaussures!

« Je triture ! » sourit-elle. Les plis sont serrés et communiquent une rigidité à l’objet réalisé. « C’est au son que je sais si le pli est réussi ! » Et l’artiste évoque son geste répétitif, « comme une méditation ».

Passion papier ! Edith Nicot est incollable sur le sujet. Et elle vous raconte comment elle en fabrique elle-même, avec toutes sortes de végétaux. C’est une véritable démarche artistique. Avec elle, le papier devient un matériau et…une œuvre.

Emportée par son élan, elle va vous raconter maintenant le Kozo! Impressionnant! Seule une japonaise, Miki Nakamura, vers Angers, travaille comme elle cette fibre du mûrier à papier, utilisant la partie entre l’écorce et le cœur, et dévoilant le réseau de vie  où passe la sève. De ses doigts elle vous mime toutes les opérations: ouvrir, nettoyer, bouillir, blanchir, presser, déployer, sécher, mouler…  Du doigté, une fois de plus. IMG_1580

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David Hockney, Centre Pompidou

A l’automne 2017, au Centre Pompidou de Paris, une grande rétrospective de l’oeuvre de David Hockney permetait de suivre plus de 60 ans de travail de ce peintre anglais (11-21h, fermé le mardi)

Interdiction de prendre des photos. Frustrée! Celles qu’on trouve en cartes postales et documents ne sont pas forcément celles que j’aurais prises!!

Evidemment, je ne connaissais de Hockney que les fameuses piscines américaines! Cette expo m’a donc fait ouvrir les yeux sur les recherches de l’artiste tout au long de sa vie (il a 80 ans aujourd’hui), et en particulier sur son rapport à l’image (photographique ou peinte). Intéressant.

L’expo débute par ses peintures de jeunesse, quand il était encore à l’école d’art. Elles m’ont touchée, presque davantage que les suivantes! Son autoportrait en collages sur fond de journal est une fantaisie fort sympa (déjà un assemblage, comme il le fera avec ses photocollages)!Hockney

Ensuite, seize gravures, comme un conte graphique, avec refrain d’une tache rouge; ça m’a ravie.

Puis, déjà ses paysages et portraits, annonciateurs de la suite. Californiens (déjà des piscines), indiens, suisses… J’y ai vu de l’humour. Et du jeu: « je fais du réalisme pour prouver que la peinture figurative n’est pas morte. Mais je me refuse à la reproduction exacte de ce que perçoit mon œil » dirait-il (et je ne serais pas loin d’apprécier!) . D’où le trait fantaisiste et simpliste, la palette exagérée.

Viennent les douches, puis les doubles portraits, puis les piscines etc;  et ça y est, on est dans les peintures-photographiques, il me semble. Des peintures inspirées de photos, mais surtout un regard de photographe avant d’être celui d’un peintre. Telle cette bouée rouge flottant sur l’eau de la piscine:  le cliché qu’on fait en un clin d’œil, parce qu’on a aimé son graphisme et ses oppositions de couleurs.

C’est drôle comme les scènes les plus connues de Hockney (piscines, portraits…) ont à la fois quelque chose de très figuratif, bien sûr, mais aussi de très irréel. Les personnages figés et raides comme sur les vieilles photos, les traits rigides du décor, les couleurs lisses et glacées. On est dans l’aplat. On est sur une surface. Et, du coup, on reste à l’extérieur. On n’entre pas.Hockney2

Après une série de portraits dessinés magnifiques (sa mère, par exemple…) et d’ autoportraits (le dandy qui se regarde et se dessine chaque matin), l’expo se termine par le travail de l’artiste utilisant les techniques nouvelles, de l’imprimante à l’Ipad, en passant par le polaroïde. La suite logique de son cheminement: une réflexion sur la (re)production des images.

Hockney a peint ou mis en vidéo de vastes paysages « enveloppants ». Sans doute pour qu’on soit plus facilement à l’intérieur (je disais plus haut que je n’entrais pas!).  Entre autre, « peinture sur le motif pour le nouvel âge post-photographique » de 12 m de long, faite de 50 toiles assemblées. Pas terrible! Et « the four seasons » réalisées avec des tournages en continu (18h par jour) sur plusieurs caméras. Le thème des 4 saisons rabâché depuis des siècles, mais vu avec des moyens actuels.

Finalement, qu’est-ce qui m’accroche dans tout ça? -Peut-être le côté impossible de ses paysages peints (à la Matisse, souvent) . Avec leurs couleurs de fauves. Une campagne anglaise qui s’offre des roses un peu fous, des rouges, jaunes et verts fluo. Le Grand Canyon qui lui aussi se voit en teintes improbables, jaune vif, aubergine et tomate. La route sinueuse de Nichols Canyon (photo ci-dessous, extrait)…Le tout brossé en lignes et formes mouvantes. Et avec ces perspectives inversées qui transmettent au regard une drôle d’impression assez vertigineuse.Hockney3

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EVAsions des arts, 5 villages

Une journée de charme! Y aller par les petites routes boisées et vallonnées. Flâner dans ces villages aux vénérables maisons de pierre. Sentir le calme. Pénétrer dans toutes ces belles granges imposantes. Y rencontrer les artistes et les écouter. S’étonner, s’approcher, regarder, s’émouvoir, s’enthousiasmer, échanger. EVAsions des arts, à Villy-en-Auxois, Villeberny, Verrey-sous-Salmaise et Salmaise, dans l’Auxois, est une fête que j’essaie de ne jamais manquer. C’était les 5 et 6 août, cette année 2017. Bravo aux organisateurs! Comme d’hab.!

Nous ne les avons pas tous vus ces créateurs passionnés et tous différents les uns des autres, venus d’un peu partout en France! Ils étaient 36 ou 38, je crois! Voilà ce que j’ai retenu:Lemaire

Les sculptures de Christine Lemaire ont une matière commune, le fer. Mais elles manifestent les oppositions que cache chacun de nous : douceur et grâce du fil (de fer), dureté et tension de la masse (de ferraille). J’ai préféré les deuxièmes. Les premières restant, pour moi, de l’art déco gentil. Son « passage », par exemple, fait de deux plaques de tôle rouillées, lézardées, qui glissent l’une vers l’autre sans se toucher, m’a paru très fort. J’aime aussi ses « forteresses ». Entre les deux genres (fil et masse), j’ai trouvé « Foule » suggestif et touchant.

Nouveauté cette année, « L’incubateur ». Une des granges accueillait un groupe d’étudiants des Beaux-Arts. Bonne idée sympa! N.Boccard, G.Murakami, E.Roturier, L-R. Roux, T. Sartori présentaient peintures, photos, volumes. Intéressantes démarches.

Nicole Friess avait accroché un petit nombre de toiles dans une grange très vaste. Et il faisait sombre. Mais, au final, le regard s’obligeait à demeurer longtemps, à essayer des angles de vue différents. Et on se laissait prendre par la couleur et on partait avec… Bleu de glace, orange de feu, noir d’orage, blanc d’écume…Ce sont des paysages abstraits comme on en a vu dix mille fois, de faux paysages où l’on a cherché dix mille fois un ciel, une mer, un volcan, un horizon…Mais pourquoi, ici, est-on si facilement saisis par eux?Catry

Il y avait même un artiste zingueur! Pascal Catry récupère les gouttières (entre autre) et les travaille (à peine) avec amour. L’amour du zinc. Elles deviennent des objets d’une beauté étonnante. Aplaties, étalées, réunies entre elles, elles révèlent des teintes et des textures tout en nuances mais superbes. Le temps a agi sur elles, l’artiste met en valeur ce travail (il ne fait pas grand chose d’autre). Voici donc de longs tableaux gris et lisses, striés de blanc ou de rouille. Parfois rompus de lignes verticales aux étranges écailles (juste d’anciennes soudures à l’étain).

D’abord, elle fabrique sa mixture. Une sorte de pâte à papier faite d’argile rouge et de filtres anciens passés à l’eau de source. Des végétaux récoltés et séchés par elle vont venir se blottir dedans. Quelques gestes de plasticienne et de technicienne plus loin, l’oeuvre apparaît. Les compositions de Marie-Gala Perroud sont mystérieuses. On y voit la nature amoureusement conservée mais aussi des tableautins d’une esthétique raffinée et gracieuse.

Ce sont des châssis de petit format, 50/50, peints en noir. Patrice Marchand y dépose de petits assemblages, de petites constructions. Un morceaux de grille, un sachet de carton, une enveloppe jaune, quelques pages de livre, un fragment de calligraphie, un bout de journal, une phrase…Tout cela est plus ou moins découpé, décalé, déstructuré. Interviennent parfois sable, acrylique, peinture au bitume. Résultat: des compositions minimalistes, comme de courtes expériences de vie. Il les compare, lui, à des haïkus.Marchand

Au château de Salmaise, j’ai retrouvé avec grand plaisir Edith Nicot, notre plasticienne-papier bien connue, Monique Riond et ses Femmes mythiques, en terre cuite, figures sacrées dans leur simplicité, et Marie-Noëlle Noury, invitée d’honneur, accompagnée de son fidèle Maurice en papier mâché (elle lui a encore trouvé des sens figurés devenus des sens propres qui ne lui facilitent pas la vie!).Riond

Et puis, encore: Alexandra Schenke et ses étranges mini carrés couverts d’un langage inconnu, assemblés en cubes, colonnes, sculptures. Mniha et ses photos « Light Painting » qui fantomatisent le réel et le quotidien. Emma Ash et ses grandes peintures hallucinées, aux teintes de fresques, un peu baroques, un peu images pieuses, riches d’existences pluriels. Sandrine Lepelletier géniale dans son art singulier. Frank Mercky le ferronnier et ses bêtes si humoristiques. Niotte Prod et ses personnages de science fiction, hybrides, complexes et imprévus.

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Le choix du mois, Lens, juillet 17

De passage dans le Nord de la France (on dit les Hauts de France, maintenant, je crois), on a parcouru avec plaisir la Galerie du Temps du Louvre de Lens. Fluide, lumineuse, sans cloisons… Il y avait également une petite expo temporaire sur le thème du miroir que j’ai beaucoup appréciée (moi la collectionneuse de petits miroirs!).Babylone

Je choisis de sélectionner cette statuette qui m’a fascinée. Elle provient du royaume de Babylone (Iraq actuel) et se situe entre 1900 et 1600 av. JC. Il s’agit sans doute d’un prêtre en prière. Il est à l’image des hommes de ce temps, dans ce pays, qui étaient conçus pour servir les dieux et travailler pour eux. Ils devaient manifester une dévotion constante… Et voilà donc une attitude soumise et inquiète (ai-je bien fait seigneur?) Il est l’esclave du dieu. Un genou en terre. Les épaules remontées, bloquées. La religion était omniprésente.  Je me suis dit « Mon Dieu! » !! Et j’ai eu peur !!

L’oeuvre est à la fois un peu grossière et expressive (regard, geste etc). A la fois un peu rustique et précieuse (l’or de certaines parties).  Elle dit des choses sur l’époque, sur la culture babylonienne, sur ses croyances. En cela c’est une petite statuette « pleine » et qui garde sûrement beaucoup de secrets en elle.

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