Le Consortium, 37 rue de Longvic à Dijon, a proposé une exposition de 5 artistes contemporains au printemps 2022.
–Sergej Jensen, artiste danois né en 1973.
Les toiles de Sergej Jensen sont bien des toiles!! Mais elles ne servent pas forcément de support à de la peinture. Il y en a un peu, ici ou là, mais plutôt timide, l’essentiel étant dans les pièces de tissus qui garnissent la surface (encore que la toile brute est parfois également laissée en réserve.)
Provenant, pour la plupart, d’anciennes toiles de l’artiste, laissées pour compte, déchirées, découpées, ces lambeaux s’assemblent tant bien que mal pour former un tableau. Non! Rien à voir avec du patchwork! Les couleurs, les rythmes, les compositions et la destination elle-même sont à mille lieues!
Ces oeuvres de Sergej Jensen ont un goût de nostalgie. A cette époque (l’artiste commence ce travail dans les années 2000), où est passée la peinture? Elle a perdu sa place primordiale en art, dit-on. Ses toiles à lui seraient un rattrapage, un pis aller, ou un geste de dérision, ou même une pauvre moquerie…je ne sais pas. Quand on pénètre dans la salle, on a d’abord, le temps d’un éclair, l’impression d’être devant des peintures…Et puis, on voit les coutures maladroites, les effilochages ratés, les déchirures, les plis, les trous, les lignes bancales et les imperfections diverses. Les teintes sont tristes ou pâles, délavées, lessivées. Une image de pauvreté. De déclin.
C’est un travail qui peut nous atteindre, dans la mesure où l’on sent que cet artiste cherche peut-être à rafistoler la peinture qui se meurt, la récupérer à travers son support lui-même. Tout en montrant que ce sauvetage est dérisoire. On a le droit d’y voir une certaine beauté. Car l’artiste reste artiste et il ne se fiche pas complètement des compositions. Le plaisir esthétique existe, pour moi, dans cette salle, bien évidemment.
–Nathaniel Mary Quinn est un artiste afro-américain né à Chicago il y a une quarantaine d’années.
Depuis quelques temps, sa spécialité est le portrait composite. Un travail de peinture, proche du collage. Avec fusain, gouache, pastel, acrylique etc, il assemble des fragments formant un visage hybride. D’apparence souvent monstrueuse, évoquant parfois les gueules cassées de la première guerre mondiale… Des visages fracturés, déstructurés. On pense aussi à Bacon.
« Chacun de nous est une cacophonie d’expériences » dit Nathaniel Mary Quinn. Il exprimerait donc cet amalgame que constitue chaque vie. Ses portraits seraient ainsi formés de morceaux de mémoire et d’inconscient.
J’ai peur, malgré tout, que cet artiste ait trouvé là un « système » et s’y tienne, montrant beaucoup de brio dans ses réalisations, mais ne cherchant pas plus loin. J’espère me tromper.
–Tursic et Mille, duo d’artistes, nés en 1974, l’une en Serbie, l’autre en France, qui se sont rencontrés à l’école des Beaux Arts de Dijon.
On n’aborde pas le travail d’Ida Tursic et Xilfried Mille comme ça! D’un simple coup d’œil! J’avoue qu’ils m’ont toujours interloquée par leurs provocations, leurs audaces, leur apparent je-m’en-foutisme, leur vulgarité assumée… Cette fois encore, je me suis accrochée aux murs pour rester, et continuer à visiter l’expo! Tant de teintes exagérément flashy, tant de sujets nunuches, tant de mauvais goût, tant de blagues à deux sous, tant de fausses peintures enfantines… J’ai pris le parti d’en rire, me disant que les artistes eux-mêmes, si ça se trouve, se sont bien amusés en créant ces installations.
Certes, Tursic et Mille nous bousculent, brouillent nos pistes habituelles, détrônent des poncifs… Si jamais on découvre, dans une toile, un extrait à la beauté « classique », un visage, un morceau de paysage, ils s’empressent de nous contrarier en lui ajoutant un pioupiou grossier ou un gribouillage mauve du plus vilain effet! Pas question de se laisser aller!
Leurs « shape-paintings » , tableaux-objets, et leurs cadres de tableaux m’ont interpellée, dans la mesure où intervient un artisanat au service de la peinture. Ainsi qu’un souci de changer l’aspect et la présentation traditionnelle des galeries de tableaux. Cadres découpés (nouvelles formes géométriques) et socles travaillés, silhouettes d’arbres ou de chiens taillées dans le bois avant de recevoir une œuvre picturale…
Dans cette expo, pas de pornographie ni d’images de films ou de magazines recyclées par la peinture, travail le plus connu de Tursic et Mille, mais une reprise de ce qui avait été présenté en 2021 au Havre. C’est intitulé « Tenderness ». Autant vous dire que la tendresse, chez moi ne passe pas par les chienchiens, ni par les barbouillis roses, ni par les cartes postales kitsch des années 30!!
Un moment étonnant, dans cette expo: un tapis de pommes pourries et de mégots …en bronze peint! A voir!
–Elizabeth Glaessner, née aux Etats Unis en 1984
Grandes toiles aux couleurs translucides, aux lignes floues, aux formes inconsistantes … Des personnages qu’on dirait constitués de caoutchouc, comme des ballons de baudruche … Des scènes oniriques sorties d’hallucinations …
De transparences en mouvements fluides, de déformations du réel en apparitions planantes, l’oeuvre de Elizabeth Glaessner a suffisamment d’étrangeté pour ne pas me laisser indifférente!
-Je n’ai malheureusement rien à dire à propos de Bertrand Lavier. Son travail ne semble pas me concerner.
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