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Kim Kototamalune, Paris

D’abord, quelques titres de cette artiste! Pour vous amener en douceur à son univers: « L’élan des songes », « l’odeur de la lune », « portrait de l’absent », « bourgeon d’ancêtre », « pépite de souffle »…

Elle s’appelle Kim Kototamalune. Elle est vietnamienne. Elle a travaillé le textile et maintenant elle sculpte le verre. Elle en fait de la dentelle, de la broderie, des résilles, des épidermes, des membranes, des réseaux… Sans dessin préalable, sans matrice, elle chauffe, file et soude jusqu’à la forme voulue.

Et apparaît « l’invisible dans le visible », dit-elle. Et se révèle « un entre-deux », cet espace dans lequel « tous les possibles ont droit d’exister et de se concrétiser », dit-elle encore. Et elle parle de vide, d’absence, de passage d’un état à un autre, d’un ailleurs en soi, d’un langage silencieux… Elle fait le lien avec les neurosciences, la physique quantique, le Tao …

Comment dire notre ressenti après cela!?

Ces volumes cristallins, aux allures de bijoux ou de mobiliers luxueux, nous troublent. C’est certain. Comme s’ils arrivaient de l’origine du monde. Comme s’ils nous donnaient l’image de ce qu’on ne connaît pas. Comme s’ils nous montraient l’intérieur de notre corps. Comme s’ils rendaient palpables les choses de l’esprit. Comme s’ils dévoilaient les âmes…

J’ai vu exposé son travail à la Galerie parisienne Da-End, espace merveilleusement sombre et ancien (expo terminée depuis le 7 mars). Grâce à des éclairages calculés, les pièces de Kim Kototamalune nous faisaient presque entrer en méditation… Des organes grand format, posés là, au sol… Des petits organismes blottis à l’intérieur… Un cortège de tubulures, burettes, éprouvettes, ampoules (du moins c’est la référence qui m’est venue) posées sur un chemin de terre, tel un laboratoire de démiurge … Un œuf géant… Un végétal en pleine métamorphose…

L’artiste nous a dit que son projet en cours est une forêt de verre….. A suivre.

(cliquez sur les visuels pour agrandir)

Unica Zürn, Paris

le Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne, rue Cabanis à Paris (14) a accueilli une exposition de Unica Zürn. Du mercredi au dimanche, 14-19h.(vous pouvez cliquer sur les visuels ) (c’était avant le confinement!)

Comme j’ai plutôt tendance à séparer l’œuvre de son auteur (une réflexion très à la mode…et je sais que je ne suis pas suivie souvent dans cette idée), je ne vais pas m’appuyer sur la vie difficile de cette artiste allemande, plusieurs fois hospitalisée en psychiatrie et qui a fini par se suicider, pour évoquer son travail. Je sais que la personne elle-même, et sa façon de traverser l’existence, comptent pour un énorme pourcentage dans ses réalisations artistiques. Mais, en général, je me fiche quand même des origines, des raisons, des causes, des influences, des explications….Je ne m’imprègne que du résultat…

Et dans le cas de Unica Zürn, il est formidable.

Ses dessins à l’encre, avec, souvent, aquarelle ou gouache, donnent vie à des êtres fabuleux (ils sortent des fabulations de l’artiste) qui flottent dans un milieux mi-aquatique, mi-interplanétaire. Ces formes, où se mêlent humain, animal et végétal semblent tracées du bout d’une patte de mouche ou d’un cheveu. Je me demande si elle ne travaillait pas avec une loupe? Il n’y a ni épaisseur, ni consistance, ni densité dans ce qui naît sous ses doigts. Tout est transparences, toiles d’araignée, traversées, vides…Et pourtant tout est bigrement existant …

On perçoit griffes, poils, écailles, mues, épidermes, yeux, tentacules, arrêtes, museaux, pattes… On hésite entre mollusques, poissons, dragons, reptiles, félins, spermatozoïdes… ou racines et herbes… Parfois, on discerne un visage, un sein, un sexe féminin…

Etrange impression. A la fois de précision scientifique et d’imagination débridée. Le trait semble continu. Il assemble et réunit cette abondance de créatures ambiguës en une seule définition. Mais il existe aussi des micro- organismes qui ondulent, seuls, sur le papier, indépendants, telles des cellules primitives.

Malgré l’ultra finesse du dessin et l’extravagance des sujets représentés, le travail de Unica Zürn est maîtrisé, organisé, équilibré. Le graphisme est magnifique. Fascinant. Et, en outre, l’écriture, parfois, s’en mêle, court sur la feuille au côté des dessins.

Unica Zürn, d’ailleurs, était également écrivain (poèmes, romans). Elle aimait composer des anagrammes, ce qui colle bien avec ses dessins: une réalité transformée et devenue mystérieuse.

Nastia Mallet, La Source

Nastia Mallet a été l’invitée de la Galerie La Source, à Fontaine lès Dijon en février 2020. Titre de son expo: « la Flamme des choses ». . (vous cliquez sur les visuels pour agrandir)

Dans cette exposition, l’artiste a tenu à ce que le feu soit vécu comme un « réconfort ». Il avait été tant vu comme un tueur, un destructeur ou un bourreau vengeur, depuis quelques temps, dans le monde… Il est vrai que le feu est protéiforme et ambigu. Voici donc, avec Nastia Mallet, ses visages de sérénité, de purificateur, et de souffle vital…

Dès la première salle du bas, aquarelles, toiles (acrylique, pigments) et petites sculptures, on se croit devant un doux feu de cheminée où les flammes crépitent paisiblement. On oublie que les flammes sculptées sont immobiles. Pour nous, elles sont vivantes. Et la palette des peintures, orange, rouge, brun, vibre au gré de l’éclairage venu des fenêtres.

Voilà pour l’ambiance créée par la scénographie. Maintenant, approchons-nous de chaque oeuvre. Presque toujours, une structure comme une fenêtre ou une porte. On entre. Au centre, une lumière blanche nous aspire. Un côté aux couleurs plus denses consolide l’ensemble. Un côté plus vaporeux l’équilibre. Quelques griffures dans la matière nous accompagnent, tels des signes de l’artiste. Et tout, dans ces tableaux, est en mouvements vers le haut: le feu s’élève et nous élève.

Au premier étage, après une belle salle d’aquarelles, dans l’esprit de la « Flamme des choses », sont présentées les oeuvres en cire de Nastia Mallet, ainsi que quelques visages et petites « boîtes » auxquelles nous a toujours habitués l’artiste.

La cire est cette matière noire qu’utilisait les horloger-bijoutiers pour leurs moulages. L’artiste la travaille, la patine, lui insert des mini objets, la pique, la griffe, la gratte… Il se passe mille choses au creux de ces petits bas-reliefs qu’on prendrait parfois pour des pièces d’archéologie. Malheureusement, Nastia Mallet ne trouve plus nulle part cette fameuse cire!… Si jamais vous avez une idée!

D.Eustase et J.Beaslay, L’Hostellerie

L’espace d’exposition de la Chartreuse, L’Hostellerie, (parc, à côté du Puits de Moïse), à Dijon, 1 bd Chanoine Kir, a reçu au printemps 2020 (avant le confinement!) Dominique Eustase, peintre, et Jacky Beaslay, sculpteur bois. Du mercredi au dimanche, 14-17H. Une expo organisée par Itinéraires Singuliers. (vous cliquez sur les visuel pour les agrandir)

Accordéoniste vole. Maisons volent. Bras-branches. Cheveux-arbres. Douche et WC roulent. Fleur-éléphant. Poule à visage humain…..L’art de Dominique Eustase est celui de tous les possibles! De toutes les permissions! Oui, tout est permis! Temps, espace, proportions, perspectives…tout est confondu. On se promène dans nos jardins, ceux de nos rêves, de nos souvenirs, de notre enfance, de notre imagination.

Ces toiles naïves sont des contes. Drôles, joyeux (sauf exceptions), colorés, dansants… Il ne faut pas tourner les pages trop vite! S’arrêter pour se laisser conter les centaines de petites histoires racontées là. Des vraies, des fausses, des espérées, des attendues, des oubliées, des rêvées… ça foisonne et ça bouge! ça fait du bien, le naïf!

Et, mariées à ces peintures pleines d’énergie, voici les sculptures de Jacky Beaslay. Posées là, ou suspendues au-dessus de nos têtes. Brutes, humbles. Quelques vieilles planches et bouts de tôle se sont transformés entre ses mains en machines volantes insolites (on dirait du Léonard de Vinci très ingénu!), en grappes de petites maisons, en véhicules improbables, en attroupements de personnages ébahis…

Il y a aussi des « tableaux » de bois, faits d’assemblages de bric-et-de-broc, tels des bas-reliefs du plus bel effet. Je ne sais si c’est la matière utilisée, ridée et blessée par la vie, ou l’âme que lui insuffle l’artiste, mais j’ai beaucoup aimé toutes ces réalisations. C’est sans prétention, mais c’est tellement créatif…

Farah Atassi, Consortium

Farah Atassi a exposé au Consortium de Dijon, 37 rue de Longvic, fin d’hiver 2020 . (vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus). J’ai écrit aussi sur ce blog un article sur Appriou, au Consortium en même temps.

Le blog de Lunettes Rouges a consacré un papier à Farah Atassi! A lire, bien sûr! https://www.lemonde.fr/blog/lunettesrouges/2019/12/06/jeux-de-scenes-farah-atassi/

Farah Atassi fait partie de la jeune génération des peintres. Et sa présence au Consortium nous remplit de joie! Nous voilà devant des grands formats à la palette vive et gaie. Aux sujets classiques, femmes assises, modèle d’atelier, instruments de musique. Aux formes géométriques. Aux représentations figuratives, même si la ligne est cassée façon cubisme. Bref, nous sommes en terrain connu! Pas de dérangement, pas d’interrogation, pas de frustration! De quoi nous réjouir dans une expo d’art contemporain! Quel repos!!!!

Tout cela n’empêche pas et la modernité du travail de l’artiste et la personnalité très marquée de celle-ci et des réflexions engendrées par ce travail.

C’est bien spécifique à Farah Atassi, ces fonds décoratifs géométriques tels des papiers peints des années 60, ces rayures et festons qui semblent découpés-collés. C’est bien à elle, ces personnages déstructurés à la Picasso (on retrouve même la femme picassienne dans un rocking-chair!). C’est bien à elle cette façon de confondre objets et formes humaines.

Et toujours, chez Farah Atassi, cette construction ordonnée, un peu rigide, d’un espace où vont venir se placer personnages et objets. Ils s’imbriquent les uns dans les autres, ou glissent à la surface en jouant avec les motifs du fond. Un beau jeu de construction. Notre regard est mis à l’épreuve, il essaie de démêler l’écheveau des lignes et d’en extraire une guitare, un téléphone, un meuble, un ballon, un homme…Tout en se disant que si l’artiste les a ainsi entortillés les uns dans les autres, ce n’est pas involontaire…

Avec elle, on est entre l’album à colorier et le tableau des maîtres Picasso ou Léger, complètement assumés. Entre le ludique et la référence aux grands artistes du passé (j’ai même pensé à Matisse pour ses papiers découpés). Entre une platitude apparente et une richesse sous-jacente. Une peinture ambiguë qui vaut la visite!

J’ai beaucoup aimé l’analyse ci-dessous

https://next.liberation.fr/arts/2020/01/06/farah-atassi-par-ici-l-assorti_1771813

Christian Boltanski, Beaubourg

Au printemps 2020 (avant le confinement) Christian Boltanski a « habité » le Centre Pompidou! Une grandiose rétrospective de ses oeuvres y était présentée: « Faire son temps ».

Une vraie rétrospective, puisqu’on retrouve les principales oeuvres de sa carrière d’artiste, remises en scène pour l’occasion. Et ces différentes installations sont réunies à la manière d’une seule et même oeuvre. « Faire son temps » est une oeuvre en elle-même. Construite comme un parcours, d’un « Départ » à une « Arrivée » (deux portiques en néons colorés pour entrée et sortie, pour naissance et mort).

D’un bout à l’autre, Christian Boltanski vous rappelle inlassablement que vous êtes mortel, que la vie n’est qu’un passage, que le temps s’écoule inexorablement etc.

Mais, quelle magnifique façon de vous le rabâcher! Vous êtes au spectacle. Non! Même pas! Vous êtes acteur, vous vivez chaque mise en scène de l’intérieur. Vous marchez dans la pénombre permanente, et vous entrez dans des sanctuaires, vous vous laissez frôler par des voiles fantômes, vous vous recueillez dans la maison des âmes errantes, vous vous arrêtez devant des reliquaires ou des autels…

Dit comme ça, on pourrait penser à un jeu vidéo! Au manoir hanté! Loin de moi cette idée! Le travail de Christian Boltanski est bien au-dessus de ça. Tout est évocation. Suggestion. Allusion. Création. C’est l’art du théâtre.

Les deux principaux moyens utilisés par l’artiste sont -1- l’accumulation et -2- le jeu de l’absence ou du flouté.

-1- La collection est chez lui chose courante. Il collectionne entre autre, les photos anciennes, uniquement des portraits. Par milliers. Et ils sont tous là: présences émouvantes, obsédantes.

Il entasse aussi des boîtes de gâteaux secs en fer rouillé: murs de boîtes, cités de boîtes, monuments de boîtes. Il réitère également sa montagne de vêtements (ex expo au Grand Palais). Il place des centaines de petites lampes, veilleuses sacrées… L’accumulation et la répétition ont une force.

-2- Les images des personnes décédées sont imprimées (ou projetée) sur rideaux blancs, ou sur voilages, ou sur tentures en lanières. Des êtres irréels, flous, flottants…

Les vêtements sont vides, même si certains parlent d’une voix d’outre tombe. Les miroirs sont noirs, ne reflétant aucune image. Les tableaux représentant des portraits sont cachés sous des tissus de deuil, qui se soulèvent timidement au gré d’un courant d’air. Ambiance funèbre. Mais objectif atteint: on est saisis.

Cependant, le côté joueur de Christian Boltanski est présent aussi dans cette exposition. Quand il nous raconte ses installations in situ, sous forme de vidéos (importance du son et même des odeurs!): ses clochettes dans le désert de Atacama ou ses trompes à chants de baleines en Patagonie, par exemple. Ou quand il nous fait sourire avec son petit théâtre d’ombres.

Jean-Michel Pouzet, La Source

En janvier 2020, le plasticien photographe Jean-Michel Pouzet exposa à la Galerie La Source: « séries surjectives ». Fontaine-lès-Dijon. Du mercredi au dimanche, 15h30-18h30.

Un titre, deux images et un texte… C’est UN tout. C’est une oeuvre. Et ça revient dix fois! Dix oeuvres de Jean-Michel Pouzet! Il les appelles des séries. C’est à La Source. Une expo photos hors habitudes! Un travail très intéressant.

Les photos? Grands formats et grands applats de couleurs vives, effets de matière et éclats de lumières. Des fragments d’objets, photographiés en très gros plan, sous un soleil de midi et toujours (l’artiste y tient) sur fond de ciel bleu. On a là des ballons de jeux d’enfants, un fond de bateau, une benne à verres… Mais qu’importe. On ne reconnaît pas la chose. La réalité n’existe plus. On est passé de l’autre côté du miroir. L’art a joué son rôle de transposer, de transformer, de changer le regard, de perturber, de faire basculer…

Le texte? Il forme un duo avec les photos. Une « combinaison du visuel et du verbal » disait Wright Morris, écrivain-photographe américain. Jean Michel Pouzet écrit des petites fables, qui, comme ses images, parlent de choses réelles mais en les détournant. Elles sont allégories ou symboles. Légères, drôles, courtes, poétiques…elles disent notre monde contemporain. Elles ont des allures de contes, de petites scènes de théâtre ou de sketchs.

Ne cherchez pas une légende aux photos! Un commentaire! Une explication! Le texte qui côtoie les deux visuels se marie à eux mais sur un autre niveau. Je vous conseille (si vous le pouvez, sans déranger!) de le lire à voix haute. Et mettez-y le ton! Vous verrez se détacher le sens de l’oeuvre tout simplement!

L’artiste photographe a d’ailleurs enregistré des acteurs qui lisent ses textes (à écouter en utilisant les QRcodes sur le smartphone, demandez le papier à la Galerie).

Giulia Andreani, Dole

Au musée des Beaux Arts de Dole, l’exposition de l’artiste chercheuse Giulia Andreani « La Cattiva » (la vilaine, la sale gosse!) était présentée l’hiver 19-20. (10-12h et 14-18h. Fermé lundi et dimanche matin)

Cette exposition d’art contemporain m’a à la fois fortement intéressée et partiellement agacée!

Giulia Andreani s’est énormément investie dans des recherches. Elle a patiemment fouillé. Et à partir d’archives, elle a réalisé ce travail qui nous est présenté au musée de Dole. Quelque chose de touffu. Aux multiples ramifications. Aux enchevêtrements subtils. Avec un fil rouge sans équivoque: l’insoutenable situation de la femme au début du siècle dernier.

Avec trois grandes peintures, « les allégories », l’expo débute sur le sujet intéressant des artistes femmes, pionnières, dans les années 1911-1925. Giulia Andreani part de sa récente expérience de résidente à la Villa Médicis, faisant d’habiles allers-retours et superpositions passé-présent, entre les pensionnaires de la Villa en 2017 et des « collègues » d’il y a 100 ans. On retrouvera ces dernières comme un refrain plusieurs fois dans l’expo.

Et dans cette première salle, on découvre la technique de Giulia Andreani: l’utilisation du gris de Payne (gris foncé, à tendance bleue), habituellement pour l’aquarelle, mais pas chez elle. Ce médium lui permet souvent de donner une ambiance vieille photo à ses toiles et de créer une unité chromatique avec toutes les nuances de gris. Autant dans ses grands formats, comme des fresques historiques, que dans ses petits portraits, nombreux et très réussis.

On est dans une réalité fantomatique du plus bel effet. Mais l’évocation du passé est d’abord là pour frapper. Les anecdotes racontées en images sont symboliques. Elles portent en elles une mission.

Tout y passe: l’émancipation (forcée) de la femme pendant la guerre de 14 (travaillent à la place des hommes partis au front) , les noms de métiers féminisés (cheminotes, guérillères, pompières…), les écoles d’art interdites aux femmes, le harcèlement sexuel des peintres hommes, la première femme maire, les « filles-mères », le pantalon interdit aux femmes, les grandes figures historiques de femmes agissantes, celles qui ont vécu dans l’ombre de leur mari, l’éducation des petites filles l’aiguille à broder dans la main etc.

les pompières (extrait)

J’aime l’idée du masque, qui revient souvent ici: masques de méduse, masques à gaz, visages brouillés ou à-demi camouflés etc. Allusion à tout ce qui pouvait (peut?) museler et cacher les femmes.

Et, liés à ce soutien absolu au féminisme, apparaissent les dictateurs, les fascistes… L’exposition prend aussi un caractère politique.

Vous l’aurez compris! J’apprécie le travail de la plasticienne Giulia Andreani, l’émotion qu’elle fait passer avec ses portraits, tels des clichés anciens, la richesse de ses grandes toiles qui, comme chez les peintres d’autrefois, comportent de nombreux détails allusifs, sa façon de mêler, de coller, de couper, de monter, de (re)composer, d’associer, de se référer, de rapprocher les échos…

ouvrage de dame(extrait)

C’est un beau et bon travail contemporain d’art et de recherche. Par contre, je supporte mal l’art qui s’engage dans des idées d’actualité, dans des prises de position sociales ou politiques. Pour moi, l’art n’a pas ce rôle, surtout quand c’est systématique, radical et catégorique.

L’art révèle, oui. Exprime l’indicible, l’intime, l’intérieur… Il suggère. Il nuance. Il traduit autrement. Mais ce qui est déjà dit ailleurs, dans la vie réelle, avec force mots et images sans art, je n’ai pas besoin que les plasticiens me le rabâchent.

Jean-Marie Appriou, Consortium

Au Consortium de Dijon, fin d’hiver 2020, Jean-Marie Appriou exposait. (Mercredi au dimanche, 14-18h. Jusqu’à 20h le vendredi. )

Le jeune plasticien Jean-Marie Appriou se plaît à revisiter des artisanats vieux comme le monde, celui du bronze, du verre, de la céramique, de la tannerie et même (surtout) de l’aluminium. Il reprend ces savoir-faire traditionnels, mais pas tout à fait avec le même état d’esprit, et pas toujours avec les mêmes procédés (il va jusqu’à l’alchimie). Sort du conventionnel. Ne s’attache pas au même souci de perfection. Tient à laisser la trace du doigt (visibilité du processus de fabrication). Communique d’autres significations à l’œuvre, et peut-être d’autres objectifs.

Jean-Marie Appriou s’intéresse à la matière et en fait des expérimentations. Il se dit avant tout sculpteur. Il aime manier les matériaux et les techniques. Et de ce travail naissent des figures fantastiques, humaines, animales ou végétales. Un univers onirique bien particulier, bourré de références culturelles. On s’y perd parfois! Car ce sont des éclairs d’Egypte à peine entrevus, une image de BD ou de film fantastique tel un flash rapide, une ressemblance avec un certain art du XIXème siècle bien romanesque…

Au Consortium, il a choisi de présenter des variations sur le fond marin. (« seabed », titre de l’expo). On nage donc entre Jonas, Ophélia, cachalots, pieuvres, hippocampes, coquillages… Sous forme de bas-reliefs, de gravures et de sculptures, il raconte des histoires, comme des légendes, des fables ou des contes de fées. Et on se laisse prendre par cette étrange balade vertigineuse entre apparence et imaginaire, entre futur et passé, entre enfance et maturité, entre art ancien et inspiration contemporaine. Entre fonte d’aluminium, bronze, eau forte et verre soufflé…

J’ai été frappée par un sujet qui revient dans le travail de Jean-Marie Appriou: appelons ça transformations et métamorphoses, ou états successifs et associations inattendues. Quand il montre le grossissement d’un bras ou d’une jambe vus sous l’eau (effet loupe). Quand ses jeunes cosmonautes semblent se fossiliser. Quand le champ de maïs engendre des êtres humanoïdes. Quand un monstre préhistorique devient instrument de musique. Quand les dinosaures vivent au temps des hommes. Quand la baleine accouche d’un homme. Quand la même scène se répète, mais à l’envers, ou avec un médium différent… S’y perdre! Passionnément!

Ne vous étonnez pas si de grandes tapisseries de Lurçat ouvrent l’expo, c’est une idée… de Frank Gautherot et J.Marie Appriou! L’univers de Lurçat convient à celui du jeunes plasticien exposant!

Khaled Alkhani, Paris

Galerie Schwab Beaubourg, à Paris, 35 rue Quincampoix, en novembre-décembre 2019, a exposé Khaled Alkhani: « corps de destin ». (vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus)

Récemment, j’évoquais l’exposition de Fatimane à Dijon, à La Coupole, au sujet de la guerre et de ses drames que l’artiste exprimait à sa façon. Je disais que c’était une bonne peinture et qu’elle touchait le spectateur… Mais je constatais son manque d’originalité .

Avec cette expo parisienne je peux donner des éléments de comparaison. Khaled Alkhani est syrien. Lui aussi dit la souffrance d’un pays dévasté… Lui aussi le fait simplement avec des personnages. Des femmes.

Leur visage est fin, calme, noble et délicatement dessiné. Mais plongé dans l’ombre. Par contre, le reste du corps explose de couleurs vives, fortes, déchirées. Le geste pictural est soudain désordonné, rageur, douloureux. Le réalisme a disparu. Et ce sont toutes les blessures, les morts, les destructions, les ruines, les séparations …qui sont exprimées par ces jaillissements et ces amas de peinture.

Voilà la différence avec Fatimane.