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Les Vies Froissées ou Boules de Vie

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Cinq textes écrits après avoir vu Les Vies Froissées ou Boules de Vie de Christine Delbecq. Engendrés par eux? Provoqués?    (Christine est artiste plasticienne. Elle est à St-Apollinaire)

un

Il suffit d’un regret. Un de ces petits regrets tout froid qui vous engourdit la vie. Et me voilà recroquevillée sur mes envies repliées.          Je regarde bêtement mes élans se racornir et mes rires se flétrir. Je vois aussi mes certitudes soudain faire des plis. Voilà que je me renfrogne. Que je me rapetisse. Et tout ça pour un loupé, quelque part derrière moi. Un non-vécu. Un non-être. Quelque chose qui n’a même pas existé…    Charogne de regret.

deux

A peine tu m’as touchée, je me suis fermée. Comme une carnassière. Je t’ai ingurgité et déchiqueté. Pour te garder dans mes antres les plus secrètes. Pour tout te garder. Jusqu’aux miettes de toi. J’ai construit des alvéoles, des cavernes, des terriers…                    Tu y vivras caché. Tu seras mon eau et mon air, mon sucre et mon vin. Plus rien de toi n’existera, car tu seras devenu moi. A la moindre tentative d’échappatoire, nous descendrons plus profond encore et les clapets se refermeront un à un derrière nous.           Tu mourras au monde à l’intérieur de moi.

trois

Un jour, on décide de se déplier. De ne plus avoir honte de ses visages cabossés, de ses années ridées, de ses recoins sombres…Bien sûr, on craint un peu les craquements de vieux carton sec et les jointures qui grincent en s’ouvrant. Si tout allait se déchirer ? Si les tissages laborieusement élaborés au fil du temps (vous savez, ces choses qui ne tiennent qu’à un fil) allaient lâcher ?        On y va doucement. Ça se défroisse petit à petit. Parfois, tout de même, un morceau s’échappe, tombe. Sans doute en raison d’une couture fragile (on avait mal filoché ça, non ?), ou d’une soudure inadaptée, ou d’un ciment trop frais. Tant pis. Il tombe.                 Et puis, on apprivoise peu à peu ce bonheur à vie déployée.                   Et c’est beaucoup mieux qu’avant.

quatre

Dérangé-rangé. Fouillis-foutoir. Gigantesque bibliothèque. Joli bric-à-brac. Entassé. Serré. Piles qui ne s’effondrent pas. J’ai mis ça où ? Ah ! J’avais oublié celui-là. Pyramides déséquilibrées. Bâti bancal. Se tiennent les uns les autres. Une pièce peut faire dégringoler les autres, si on cherche à l’extraire. Bureau encombré. Pas d’étagères. Pas de rayons. Pas de tiroirs. Superpositions. Solidité improbable. Solidarité des éléments entre eux. Ça déborde mais ça tient. N’importe quoi, n’importe où. Bien rempli. Accumulation-mélange. Mêlé-emmêlé. Il va bientôt me falloir une échelle pour atteindre les hauts de piles. Je vieillis. Mon espace sera bientôt plein. Le volume qui m’a été dévolu est presque rempli. Non, si je cherche bien, je déniche encore quelques places. Coincées-cachées. Et là, tout devant, je ne l’avais pas vu celle-là. Je pousse. J’appuie. J’ébranle. Ouf ! ça passe. Échafaudage incertain.             C’est donc tout ça ma vie ?

cinq

La vie ! La vie ! Ils n’ont que ça à la bouche ! Mais vous savez à quoi elle ressemble la vie ? A une chiure !           Bon, d’accord, à une chiure qui devient souvent autre chose après…             Mais, au départ, c’est juste ça. Un ridicule petit tas lamentable qui gît sur le trottoir. On a juste envie de marcher dessus. L’écrabouiller pour faire pchuit…           Bon, d’accord, si elle en réchappe, elle va peut-être se transformer en carrosse, comme une citrouille célèbre. Enfin, carrosse ! Elle ferait mieux de devenir- je sais pas moi- montagne russe, cité céleste ou désert d’Oubari.                Mais, oui, ça arrive. Il y a des vies qui s’ouvrent tout grand et se remplissent. Vous les voyez qui prennent du volume. Vous entendez leurs cloisons crisser en s’écartant. Vous voyez s’éclairer peu à peu toutes les faces des cubes et des prismes. Se garnir les pages des carnets. S’écarquiller, quoi !         Quand même, si vous permettez…        Certaines vies restent des chiures toute leur vie.

N’oubliez pas de cliquer sur les photos pour les agrandir (en 2 fois)

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